La pollution des eaux est «très sous-estimée» par surveillance, alerte Générations Futures

L'étude pointe l'absence de surveillance de ces dizaines de molécules issues de la dégradation de pesticides, potentiellement toxiques.
L'étude pointe l'absence de surveillance de ces dizaines de molécules issues de la dégradation de pesticides, potentiellement toxiques. © Jean-Marc Barrere / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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avec AFP
Dans un rapport publié ce mardi, l'ONG Générations Futures révèle avoir identifié 56 métabolites de pesticides, potentiellement toxiques, risquant de dépasser la norme pour l’eau potable. En outre, elle dénonce un manque de surveillance de la part des autorités de contrôle.

Pour Générations Futures, la qualité de l'eau potable est à regarder de plus près, quand on sait que 67 % des Français boivent de l'eau du robinet tous les jours, selon les données statistiques du site eaufrance.fr de 2020. La pollution des eaux en France est "très sous-estimée" car des dizaines de métabolites de pesticides, des molécules problématiques de leur dégradation et potentiellement toxiques, ne source l'objet d'aucune surveillance, dénonce ce rapport. 

Des métabolites de pesticide présentent un risque 

"71% des métabolites de pesticides risquent de dépasser la norme pour l'eau potable que nous avons identifiés n'ont fait l'objet d'aucun suivi dans les eaux souterraines ou l'eau potable ces dernières années", a alerté mardi Pauline Cervan, toxicologue de l'ONG, lors d'une conférence de presse. Générations Futures affirme ainsi avoir identifié 56 métabolites de pesticides n'ayant fait l'objet d'aucun suivi alors qu'ils risquent de contaminer les eaux souterraines à des concentrations supérieures à 0,1 ?g/l, soit la limite réglementaire, selon leur analyse de travaux de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).

Des quoi indigner Pauline Cervan : "La façon dont les Agences régionales de santé (ARS) sélectionnent les substances ne permet pas d'inclure de nouveaux métabolites dans les contrôles. C'est complètement incompréhensible et scandaleux".

Zoom sur les métabolites 

Les métabolites sont des molécules dégradant les substances chimiques, notamment les pesticides, qui peuvent ensuite être retrouvés dans les sols, les eaux de surface et les eaux souterraines, avant de contaminer les zones de captage d'eau potable. Le journal Le Monde avait déjà révélé en mai que 97 % des eaux souterraines françaises étaient soient contaminées par un ou plusieurs pesticides, soient par des produits de dégradation de ces métabolites. Dans ce rapport, l'ONG identifie "12 métabolites particulièrement à risque" parmi ces 56 métabolites non suivis, dont l'acide trifluoroacétique (TFA), une molécule très persistante déjà dans le viseur du Réseau européen d'action sur les pesticides (PANEurope).

Le TFA est un métabolite issu de l'égradation de certains "polluants éternels", appelés PFAS, qui sont des substances présentes dans les pesticides, des gaz réfrigérants, des revêtements antiadhésifs de poêles, des mousses anti-incendie ou des cosmétiques, et particulièrement dans Les rejets des plantes qui les produisent. "Les autorités françaises ne peuvent pas ignorer les risques de contamination des eaux souterraines par le TFA", alerte l'ONG, arguant de la proposition d'une agence sanitaire allemande de classer le TFA comme toxique pour la reproduction.

"Effet cocktail"

"Les conséquences d'une exposition chronique aux métabolites de pesticides présents dans l'eau potable sont largement inconnues", rappelle Générations Futures, qui dénonce régulièrement un déficit d'études sur la libération de ces molécules. Même si les informations manquent pour déterminer avec certitude les niveaux de concentrations sans risque, les associations anti-pesticides rappellent que les molécules se cumulent dans l'eau et peuvent avoir un "effet cocktail".

En conclusion, "Générations Futures exige la mise en place rapide d'un plan d'action pour améliorer la surveillance des métabolites et relancer une politique ambitieuse de diminution de l'usage des pesticides en France", prévision par le plan Ecophyto du gouvernement, très décrié par les écologistes. L'ONG est entrée dans une "phase de dialogue" avec les autorités Públicas, mais n'exclut pas d'agir en justice en cas de réponse négative de l'ARS ou de non-réponse.

"Nous avons une base juridique pour aller au contentieux" car un arrêté du gouvernement du 11 janvier 2007 ordonne que les pesticides "qui ont le plus de probabilité de se retrouver dans l'eau potable doivent être recherchés en priorité" dans les plans de surveillance, a conclu Pauline Cervan.