"L'Aquarius a une mission de sauvetage et ne fait pas de trafic." Sophie Beau, la fondatrice de SOS Méditerranée, le clame haut et fort. Mais cette affirmation ne semble pas partagée par la justice italienne, qui vient de demander le placement sous séquestre du navire humanitaire à Marseille pour une affaire de traitement illégal de déchets. Elle a aussi ordonné le gel de certains comptes bancaires italiens de Médecins Sans Frontières, qui affrète le bateau depuis 2016 avec SOS Méditerranée.
Des "déchets toxiques" ? Ce nouvel épisode judiciaire est aussi un nouveau coup dur pour l'Aquarius, privé de pavillon et donc bloqué dans le port marseillais depuis déjà deux mois. L'enquête menée par le parquet de Catane en Sicile porte sur le traitement des vêtements trempés et souillés abandonnés par les migrants à bord, ainsi que des restes alimentaires et déchets sanitaires, que les deux navires ont confiés aux services des ordures des ports où ils débarquaient les migrants secourus en mer.
Or, les équipes médicales de MSF à bord ont signalé parmi les migrants de nombreux cas de gale, HIV, méningites ou infections respiratoires comme la tuberculose et ne pouvaient ignorer le risque de transmission de virus ou d'agents pathogènes via leurs vieux vêtements, selon le parquet.
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"Des manœuvres politiques". Ces allégations sont rejetées en bloc par Médecins Sans Frontières et SOS Méditerranée, qui dénoncent "une attaque grotesque". "Aucune activité illégale n'a jamais été faite à bord de l'Aquarius. On respecte le droit maritime, qui est le fondement même de nos actions. Ce sont des manœuvres politiques qui viennent s'ajouter au dépavillonnement de l'Aquarius", considère Sophie Beau, interrogée par Europe 1.
"Il y a une petite infirmerie à bord mais les déchets étaient mis dans des sacs spéciaux, selon des procédures normales. Nous n'avons jamais eu de problèmes avec les gens du port, et nous avons toujours payé nos taxes d'incinération puisque ces déchets étaient considérés comme 'spéciaux'", se défend Françoise Bouchet-Saulnier, la directrice juridique de Médecins Sans Frontières, au micro d'Europe 1.
Une logique de "criminalisation des ONG". "On a l'impression d'être dans un mauvais polar avec des mafias trafiquant des déchets à travers l'Europe. Ce sont des accusations absolument insupportables et infondées, qui relèvent vraiment du harcèlement", dénonce l'humanitaire. "C'est un épisode de plus dans cette logique de criminalisation des ONG. Il n'y a plus d'acteurs de sauvetage en mer aujourd'hui. Il y a une volonté de cacher ce qui se passe en Méditerranée, et les ONG sont des témoins gênants", abonde Sophie Beau.
Médecins Sans Frontières va faire appel de la décision d'immobilisation du bateau, mais aussi du gel de certains de ses comptes bancaires. Une procédure longue qui risque de reporter encore un peu plus la reprise du secours en mer par l'Aquarius. De son côté, SOS Méditerranée "espère que les autorités françaises vont prendre en compte ce contexte extrêmement politisé pour ne pas mettre ce bateau sous séquestre."