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/ Crédit photo : HOUIN / BSIP VIA AFP et CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Fleurons des fromages français, aux recettes presque inchangées depuis des siècles, ces fromages deviennent de plus en plus difficiles à fabriquer. En cause : les moisissures responsables de leur fermentation emblématique, mises à mal par l'industrie agro-alimentaire et qui pourraient disparaître en devenant complètement stériles.

Une menace d'extinction, qui pourrait se résoudre grâce à la science des bactéries. C'est l'avertissement donné par le journal du CNRS en janvier dernier. Au cœur de la tourmente culinaire : le roquefort et le camembert, fleurons des fromages français. Depuis des siècles, leur fabrication n'est possible que grâce à des ferments, des micro-organismes savamment cultivés capables de transformer le lait. Mais malmenées par l'industrie agro-alimentaire, ces moisissures pourraient bientôt disparaître et avec elles, nos précieux fromages. On fait le point.

Des champignons devenus infertiles

Penicillium camemberti et Penicillium roqueforti. Voici les jolis noms des souches de moisissures, artisanes de la fabrication du camembert et du roquefort. Pour produire des fromages en grande quantité, ces dernières ont été sélectionnées par les industriels pour une caractéristique capitale : celle de correspondre aux cahiers des charges imposés dans l'agro-alimentaire. Les fromages doivent être attrayants, avoir bon goût, ne pas arborer de couleurs déroutantes, ne pas produire de mycotoxines, ces toxines sécrétées par les champignons, et surtout pousser rapidement sur le fromage qu’ils se doivent de coloniser, détaille le CNRS dans son article.

Cependant le secteur de l’agro-alimentaire a exercé une pression de sélection sur les champignons si grande que les fromages, non fermiers et non protégés par une AOP, présentent aujourd’hui une diversité de micro-organismes extrêmement pauvre. "On a réussi à domestiquer ces organismes invisibles comme on l’a fait pour le chien, ou le chou", explique Jeanne Ropars, chercheuse en laboratoire et chargée de recherche au CNRS.

"Mais il s’est produit pour les micro-organismes ce qu’il se produit à chaque fois qu’on sélectionne trop drastiquement des organismes, gros ou petits : cela a entraîné une très forte réduction de leur diversité génétique. En particulier chez les micro-organismes, les producteurs n’ont pas réalisé qu’ils avaient sélectionné un seul individu et que ça n’était pas durable à long terme", alerte-t-elle. Conséquences : devenus quasi infertiles, ces micro-organismes ne peuvent plus se reproduire avec d'autres souches qui pourraient leur apporter du matériel génétique neuf.

Vers un camembert différent ?

Si la Penicillium roqueforti semble moins touchée par le problème, il est aujourd’hui très compliqué pour tous les industriels du secteur d’obtenir des spores de P. camemberti en quantité suffisante pour inoculer leur production du fromage normand. Pour autant, des découvertes préservent les espoirs des producteurs pour l'avenir de la fabrication de fromages. Celle d'abord, d'une population "sauvage" de Penicillium roqueforti, trouvée dans le Bleu de Termignon, fromage confectionné dans les Alpes françaises dans une poignée de fermes seulement et qui pourrait bien sauver la filière entière des fromages bleus.

Autre espoir, celui des croisements génétiques. L’espèce proche génétiquement de la P. camemberti, nommée Penicillium biforme, est aussi présente sur nos fromages car naturellement présente dans le lait cru, et montre une diversité génétique et phénotypique incroyable. On pourrait donc imaginer inoculer nos camemberts et bries avec du P. biforme, conclut le journal du CNRS. En revanche, celle-ci pourrait donner des camemberts différents, en couleur, texture et même goût. Pour préserver la gastronomie française, les amateurs de fromages vont donc devoir s'habituer.