Le Conseil d'Etat a suspendu vendredi la possibilité d'imposer la visioconférence sans l'accord des parties devant les juridictions pénales dans le contexte de la crise sanitaire, en estimant que la mesure portait une "atteinte grave et manifeste aux droits de la défense". En novembre, le Conseil d'Etat avait déjà suspendu la possibilité de recourir à la visioconférence pour les procès d'assises.
La plus haute juridiction administrative a de nouveau été saisie, par le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature (SAF, SM, classés à gauche), l'Association des avocats pour la défense des droits des détenus et le Conseil national des barreaux, pour que la décision s'applique également à toutes les autres juridictions pénales - les procès, mais aussi les présentations devant le procureur de la République ou le procureur général.
Selon la décision, les dispositions contestées "autorisent le recours à la visioconférence, sans l'accord des parties, devant les juridictions pénales autres que criminelles, sans subordonner cette faculté à des conditions légales ni l'encadrer par aucun critère".
Une mesure très controversée
L'ordonnance du gouvernement prise le 18 novembre autorisait, pendant l'état d'urgence sanitaire, le recours "à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l'ensemble des juridictions pénales", y compris les cours d'assises, à partir des plaidoiries et des réquisitions, mais pas pendant les débats.
Le 27 novembre, le Conseil d'Etat avait suspendu la possibilité de ce recours à la visioconférence aux assises uniquement, une mesure particulièrement controversée que le gouvernement avait justifié en expliquant qu'il fallait que la justice "tourne" malgré l'épidémie de Covid-19.
Des organisations professionnelles d'avocats et des syndicats de magistrats étaient vent debout contre ce texte. Indignés, des avocats du procès des attentats de janvier 2015 avaient dénoncé une ordonnance taillée "sur-mesure" pour débloquer cette audience historique, suspendue un mois pour cause d'indisposition persistante de son principal accusé. Le 15 janvier, le Conseil constitutionnel avait censuré de précédentes dispositions similaires, décidées en mars par le gouvernement durant le premier état d'urgence sanitaire.