Le contraste est saisissant. Alors que la "Jungle" de Calais s’est vidée de ses habitants, les associations et la mairie de Paris l'assurent : les tentes se sont multipliées sur les trottoirs parisiens des avenues de Flandre, Jaurès et Stalingrad. Dans le nord de la capitale, les migrants sont désormais de plus en plus nombreux à se masser dans des abris de fortune tandis que les températures chutent à l’approche de l’hiver. En septembre dernier, la dernière évacuation du campement de Stalingrad avait permis de "mettre à l'abri 2.000 migrants. Mais ces derniers étaient très rapidement revenus sur place. Et depuis le démantèlement de la "Jungle", la situation a empiré constatent plusieurs associations. La mairie de Paris, elle, a demandé à l'Etat d'intervenir rapidement. Mais le gouvernement refuse tout lien direct avec l'opération à Calais.
"On est choqués". Si les associations récusent "tout afflux monstrueux", elles pointent bien l'arrivée de centaines d’arrivées de migrants en provenance de Calais. "Entre 500 et 1.000 personnes ont débarqué à Paris et la majorité vient de Calais", soutient Julian, de l’association BAAM (Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrants). "Ça fait trois ans que l’on est sur le terrain et on est choqués par rapport à ce que l’on voit d’habitude, il y a beaucoup d’enfants et de familles à la rue".
Houssam, du collectif "La Chapelle Debout !" liste différents profils des migrants venus de Calais : "il y a ceux qui sont déterminés à aller en Angleterre et qui viennent à Paris pour passer plus tard, ceux qui voyant que ce n’est plus possible d’aller en Angleterre vont rester à Paris, ceux qui vont à Paris car ils n’ont pas d’autres solutions… " Mais tous ne sont pas venus dans la capitale, "il y en a qui étaient dans la jungle et qui sont allés dans les communes aux alentours pour ne pas se retrouver dans un centre de rétention".
Mais pour Pierre Henry, le directeur général de l'association France terre d'asile, cette situation n'a rien d'étonnant. "Je suis surpris que l’on découvre qu’il y ait une route Paris-Calais", nous indique-t-il. Celui qui réclame "depuis un an la création d’un dispositif de transitif dans toutes les métropoles de France" assure que "juste derrière Calais, vous avez le sujet Paris". "On ne sortira pas de ces opérations d’urgence sans créer de multiples structures de transit sur tout le territoire", conclut-il.
"S’il n’y a pas de mise à l’abri rapidement, l’Etat nous plante le centre". De son côté, la mairie de Paris ne cache pas son inquiétude. "Factuellement, le campement a doublé de volume en une semaine. Nous observons simplement une concomitance du calendrier avec le démantèlement", explique-t-on. S’il est très difficile d’avoir des chiffres très précis, on serait passé de 2.000 à 3.000 migrants en quelques jours, avancent la municipalité et plusieurs associations. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a de nouveau envoyé une lettre au gouvernement afin "de mener au plus vite une opération de mise à l’abri". Car dans l'entourage de la socialiste, on affirme être "au bout de ce que la ville peut faire".
La municipalité a également en tête une échéance à risque : l’ouverture très prochaine du centre d’accueil porte de la Chapelle. Or, ce centre de 450 places, qui a vocation à accueillir les "primo-arrivants", c’est-à-dire ceux qui viennent d’arriver dans la capitale, ne prendra donc pas en charge les 3.000 migrants déjà présents. "S’il n’y a pas de mise à l’abri très rapidement, l’Etat nous plante le centre".
"Ils ne viennent pas de Calais". Mais au gouvernement, on refuse tout lien avec le démantèlement de la "Jungle" de Calais. Sur Public Sénat vendredi, la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse a ainsi assuré qu’il n’y avait "pas d’arrivée massive de Calais sur Paris". "Objectivement, ils ne viennent pas de Calais", affirme la ministre. Même son de cloche du côté de Bernard Cazeneuve : "Il n’y a pas eu de mouvement de migrants entre Calais et Paris", a déclaré vendredi le ministre de l’Intérieur. Ce dernier a néanmoins accédé à la demande de la mairie de Paris en promettant de démanteler "dans les jours qui viennent le camp de migrants à Paris".