Les quotas sont-ils la solution pour arriver à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ?
Alors que Marlène Schiappa a fait part de sa volonté de relever à 50% les quotas de femmes "dans tous les domaines", les invitées du "Tour de la question" mettent en avant l'importance de traiter les inégalités dès l'enfance.
“Relever à 50% les quotas de femmes dans tous les domaines”. C'est le souhait qu'a émis la secrétaire d’État en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa , lors du Women's Forum Americas de Mexico, les 30 et 31 mai.
Invitées mercredi du Tour de la question sur Europe 1, Rebecca Amsellem, Fondatrice de la newsletter Les Glorieuses (Collectif féministe), et Réjane Sénac, directrice de recherche CNRS à Sciences Po, reconnaissent la nécessité de quotas pour favoriser la parité , mais insistent surtout sur la nécessité d'autres politiques ambitieuses et de lutter contre les origines structurelles de ces inégalités.
"Si l'objectif est que les femmes et les hommes aient les mêmes opportunités, on a été obligé par le passé - et on l'est encore - de mettre en place des contraintes", reconnaît Réjane Sénac, auteure de L’égalité sans condition - Osons imaginer et être semblables. Car en effet, les chiffres montrent "que les femmes et les hommes ne sont pas à la même place, aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée". "Il faut regarder la réalité en face", appelle la chercheuse. Selon elle, au vu de "l'héritage, encore récent, de l'exclusion des femmes", aussi bien du droit de vote que de celui de choisir son emploi, "il n'est pas étonnant qu'on doive en passer par des lois contraignantes".
Éducation, jouets : travailler sur la structure à l'origine des inégalités
Pour Réjane Sénac, ces contraintes sont "malheureusement nécessaires". Mais, précise-t-elle, elles ne peuvent pas être "la seule solution". Et d'appeler à travailler "sur la structure qui fait qu'il y a ces inégalités", et notamment le poids des normes sociales, dès l'éducation. "Il peut être valorisant pour les femmes de faire ce qu'on attend d'elles depuis des siècles : être une bonne mère, une bonne épouse", explique-t-elle, citant également les jouets pour enfants véhiculant des stéréotypes de genre. Selon Réjane Sénac, ces constructions sociales perpétuées dès l'enfance ont "des répercussions négatives sur les femmes en terme d'autonomie financière, de choix de métiers, de valorisation des carrières". "On élève les petites filles en leur permettant moins de libertés que les garçons, avec des attentes différentiées (...). Elles ont moins confiance en elle (...) et vont demander un premier salaire moins élevé", prend-elle comme exemple.
Réjane Sénac appelle donc à une "éducation à l'égalité". "Les personnes qui croient éduquer de la même manière leurs enfants ne le font pas. Va-t-on vraiment leur donner le choix de la manière dont ils s'habillent, de leurs activités extra-scolaires?", interroge-t-elle. Et d'ajouter : "Si on veut se donner les moyens d'être égaux, il faut qu'on arrive à créer des mêmes imaginaires au lieu d'être enserrés dans des normes différentes". Avant de conclure : "Se donner les moyens de vraiment lutter contre les inégalités, les violences, ça va demander de l'implication, du courage, de l'argent".
Des solutions concrètes, comme l'instauration d'un congé paternité
Les invitées de Wendy Bouchard nuancent l'impact de la proposition de Marlène Schiappa. "Les contraintes légales porteront plutôt sur les conseils d’administration et les comités de surveillance des entreprises, ainsi que sur les postes de direction de la fonction publique", rappelle Réjane Sénac. En effet, la secrétaire d'État veut faire évoluer la loi Copé-Zimmerman de 2011 et faire passer la part des femmes dans les conseils d'administration des moyennes et grandes entreprises de 40 à 50%, indique Challenges . Sur la promesse de Marlène Schiappa de relever les quotas "dans tous les domaines", Rebecca Amselem, fondatrice de la newsletter Les Glorieuses (Collectif féministe), ne voit pas "comment c'est faisable".
Pour l'auteure de Les Glorieuses, Chroniques d’une féministe, "il faut faire un choix de société". Et des choix forts en terme de politiques publiques pour lutter contre les inégalités salariales, alors qu'en moyenne les femmes gagnent 25% de moins que les hommes.
Citant l'exemple des pays nordiques, Rebecca Amselem propose donc trois mesures concrètes. Premièrement, l'instauration d'un congé paternité , alors que "l'écart de salaire se creuse au moment du premier enfant". En Suède, par exemple, les deux parents doivent se partager un congé de 16 mois. La fondatrice de la newsletter Les Glorieuses appelle ensuite à exiger une véritable transparence des salaires dans les entreprises. Enfin, à l'instar de l'Islande, Rebecca Amselem propose que les entreprises puissent, après avoir prouvé qu'elles respectent bien l'égalité salariale, recevoir un "certificat d'égalité".