Gérald Darmanin a-t-il intercédé en faveur d'une habitante de Tourcoing à la recherche d'un logement en échange de faveurs sexuelles ? Le ministre de l'Intérieur avait fait l'objet d'une enquête préliminaire pour "abus de faiblesse" après ces faits, intervenus en 2015. Cette enquête avait été classée sans suite en 2018. Mais un collectif féministe, "Pourvoir féministe", a exprimé mercredi sur Europe 1 l'intention de faire rouvrir l'enquête, cette fois pour "trafic d'influence".
"Ni abus de faiblesse, ni trafic d'influence"
Pour l'avocat de Gérald Darmanin, Me Mathias Chicheportiche, ce n'est pourtant pas nécessaire, puisque la Justice s'est déjà prononcée sur cette qualification, en même temps que celle d'abus de faiblesse. "J'entends que la qualification de trafic d'influence n'aurait pas été envisagée. Mais pour le procureur de la République de Paris, il n'y a ni abus de faiblesse, ni trafic d'influence", a balayé l'avocat sur Europe 1 mercredi soir.
Le conseil s'appuie sur le courrier du procureur envoyé pour signifier, en 2018, le classement sans suite de l'affaire. "J'ai l'honneur de vous informer du classement sans suite du chef de trafic d'influence passif", y est-il écrit, selon l'avocat. Qui précise donc que Gérald Darmanin "nie absolument tout abus de faiblesse ou tout trafic d'influence".
L'avocat refuse de répondre sur la matérialité du rapport sexuel
Mais l'actuel ministre de l'Intérieur a-t-il bien eu une relation sexuelle avec cette habitante de Tourcoing ? Interrogé à plusieurs reprises sur ce point, Me Mathias Chicheportiche a refusé de répondre. "Ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est de savoir s'il y a une faute pénale ou morale. Il n'y a ni faute morale, ni faute pénale."
Anaïs Leleux, présidente du collectif "Pourvoir féministe", n'est pas de cet avis. "En l'espèce, on a trace que Gérald Darmanin a écrit à quatre bailleurs sociaux pour leur demander d'examiner le dossier HLM d'une femme [qui] dit qu'avant cela, il est venu chez elle et qu'elle s'est sentie obligée de lui faire une fellation. Si les faits sont avérés, si Gérald Darmanin a sollicité ou même accepté un rapport sexuel avant d'intervenir en faveur d'une citoyenne, il y a ce qu'on appelle trafic d'influence, corruption."
Me Mathias Chicheportiche, lui, avance que la plaignante elle-même a tourné la page. Au micro d'Europe 1, il a lu un SMS qu'elle aurait envoyé à Gérald Darmanin lors de la nomination de ce dernier place Beauvau. "Toutes mes félicitations, je vous souhaite toute la réussite dans ce grand poste qui vous mènera par la suite à la présidentielle." Cette Tourquennoise aurait également écrit par texto, toujours selon Me Chicheportiche, qu'elle voudrait qu'on "arrête de l'embêter" après avoir été sollicitée par une journaliste de Mediapart.
Une "instrumentalisation indigne" de la lutte contre les violences sexuelles
"Cela démontre bien l'état d'esprit qui est le sien. Elle n'estime pas, aujourd'hui, qu'il y ait la moindre infraction." Gérald Darmanin n'aurait pas répondu à ces messages, selon son avocat.
"Je suis resté assez silencieux depuis une quinzaine de jours mais la lutte contre les violences sexuelles, qui est une cause juste, ne mérite pas d'être instrumentalisée d'une manière aussi indigne", s'est agacé Me Mathias Chicheportiche. "Lorsqu'on instrumentalise une procédure classée sans suite, ce n'est plus du militantisme mais de la politique et de la mauvaise politique." Et le conseil de fustiger les "fauteurs de trouble" qui "souhaitent polluer l'action" du ministre de l'Intérieur. "Il y a assez peu de dignité dans le débat public", a-t-il regretté.
Ce n'est pas la seule affaire qui plane sur Gérald Darmanin. Une autre femme a porté plainte contre lui pour des faits qui, cette fois, remontent à 2009. Elle l'accuse de viol, quand lui n'admet qu'une relation consentie.