En 2006, Christelle s'est séparée de son mari, avec qui elle a eu deux enfants. Lors de ce divorce à l'amiable, il a été convenu qu'elle ait la garde et l'autorité parentale de Karim et Sarah. Mais au bout de deux ans, le père lui a indiqué que les enfants ne reviendraient pas. Le début, pour cette mère de famille, d'un long combat judiciaire qu'elle raconte, mardi, au micro Europe 1 d'Olivier Delacroix.
"Le divorce s'était déroulé de manière complètement classique. C'était vraiment un divorce à l'amiable : nous avions un avocat pour les deux. Au moment de préparer le divorce, j'étais en France et lui au Caire, on a eu des échanges très cordiaux, très simples, très amicaux, sur comment régler la vie des enfants une fois que l'on serait séparés. On a réussi à se mettre d'accord. Tout s'est passé en bonne intelligence.
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J'étais très heureuse qu'on arrive à se sortir aussi bien de ce moment qui aurait pu être difficile en se disant 'les enfants priment, on se met d'accord'. La garde des enfants était incluse dans le jugement, tout était noté, tout était écrit et a été entériné par le juge.
Ce que nous avions décidé était très classique : les enfants, étant très petits, restaient plutôt auprès de leur mère avec une visite du père et des vacances en Egypte sur une longue durée pendant les longues vacances d'été pour profiter de la famille et du pays. Tant qu'ils étaient petits, on allait faire comme ça. Après, les choses étaient toujours aménageables en fonction de nos situations respectives."
Au bout de deux ans, les enfants ne sont pas revenus d'un séjour chez leur père en Egypte.
"J'ai été alertée la veille du jour où je devais aller les chercher à Roissy. Mon ex-conjoint m'a appelé et m'a dit : 'Les enfants n'ont pas envie de rentrer donc je ne peux pas les forcer, donc je ne les ramènerai pas'. Je l'ai tout de suite rappelé et lui ai dit : 'Il est hors de question que tu ne les ramènes pas. Reviens avec eux, on prendra du temps s'il faut, on discutera de tout ça. C'est impossible de ne pas les ramener'.
Ma première démarche a été d'essayer de trouver des institutions qui puissent me donner des informations, car c'était tellement surprenant de mon point de vue. Je n'avais absolument aucune direction, aucune idée de ce qui pouvait et devait être mis en oeuvre, de la façon dont je pouvais essayer de faire rentrer les enfants. C'était quelque chose de complètement nouveau et inattendu. Tout ce qui concerne la législation, les conventions légales… C'était quelque chose sur lequel je ne m'étais pas penchée.
La gendarmerie et la police de l'aéroport où je suis allée m'ont tout de suite dit : 'Madame, appelez le 116.000 enfants disparus' C'était en 2010. Nous étions un samedi, j'ai appelé et c'était fermé. J'ai eu tout le week-end pour essayer de prendre des informations et contacter un avocat. Après, les choses ont commencé à s'enclencher relativement vite, à partir du moment où j'ai eu un avocat. Ça a été la première porte d'entrée sur les démarches à faire. Ensuite, le 116.000 a initialisé un certain nombre de choses. Très vite, j'ai été orientée vers le ministère des Affaires étrangères. À titre privé, parce que c'était la seule chose que je concevais, j'ai aussi contacté le consulat sur place."
Son ex-mari a par la suite été condamné à trois ans de prison, qu'il purgerait s'il reposait le pied sur le sol français...
"Le droit égyptien est un peu l'équivalent du droit français : les enfants étant en Egypte, le droit égyptien s'applique. Ce qui ne s'est pas appliqué pour 1.001 raisons, ce sont les conventions de coopération judiciaire entre l'Egypte et la France, qui pourtant existent (voir encadré). Aujourd'hui, mon ex-conjoint est libre et les enfants ne sont pas revenus. L'une des raisons, c'est peut-être le fait qu'il n'y ait pas assez d'action diplomatique. Mon ex-mari est a priori 'bien placé'. Mais toute protection qu'il ait, il s'agit quand même de protection de l'enfant. C'est ça qui devrait primer sur tout le reste."
Cela fait maintenant trois ans que Christelle n'a pas vu les enfants.
"Je suis à la fois résignée, combative et fatiguée. C'est impossible d'être constamment combative, parce qu'il y a des choses qui sont extrêmement rudes à encaisser. Soit on arrive à les encaisser, soit on n'y arrive pas. Jusqu'à présent, j'ai toujours réussi à me relever, mais ça n'a pas toujours été facile de le faire. C'est un combat semé d'embûches, et de grosses embûches."
L'avis de la spécialiste
Alla Dyuka, juriste au 116 000 et spécialiste en droit international de la famille
"Il faut distinguer plusieurs choses : l'enlèvement parental n'est pas un terme juridique. C'est une expression qu'on utilise à l'oral et qui regroupe beaucoup de nations. Dans le droit français, il y a les atteintes à l'autorité parentale qui sont précisées dans le code pénal. Il s'agit de la soustraction des mineurs de la non-représentation d'enfants. Les textes internationaux ou bilatéraux utilisent plutôt le terme de déplacement illicite d'enfant.
Quand un enfant est déplacé de la France vers un pays qui est lié avec la France par la convention de La Haye, un texte prévoit un retour immédiat de l'enfant dans le pays de sa résidence habituelle. L'Egypte n'a pas adhéré à cette convention donc ce texte-là ne s'applique pas.
Il y a une convention bilatérale avec l'Egypte. Cette convention s'appuie souvent sur la nationalité des parents et cette convention ne prévoit qu'un retour à l'amiable : la personne qui a déplacé l'enfant n'a pas d'obligation de rendre l'enfant donc cette personne sera auditionnée et on va lui proposer de rendre les enfants à l'amiable.
La France reconnaît cette condamnation (à trois ans de prison pour le père, NDLR), mais pour qu'on puisse faire agir un mandat d'arrêt international, il faut que le pays où se trouve la personne condamnée reconnaisse l'infraction pour laquelle le père en question a été condamné. En France, l'atteinte à l'autorité parentale est bien une infraction pénale, mais il y a des pays où ça peut être une infraction administrative, donc on ne peut pas faire jouer un mandat d'arrêt."