La rentrée scolaire s’annonce compliquée pour les professeurs ce lundi. Entre le contexte sanitaire et sécuritaire, les enseignants vont également avoir la lourde tâche d’assister les élèves lors de l’hommage à Samuel Paty, le professeur d’histoire-géographie décapité pour avoir montré des caricatures de Mahomet en classe. Une minute de silence sera notamment observée dans toutes les écoles de France, de la primaire au lycée.
Mais les enseignants pourraient être confrontés à des élèves récalcitrants, comme après l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015. Le chercheur et historien Sébastien Ledoux, qui a soutenu une thèse de doctorat sur le devoir de mémoire, a expliqué dimanche soir sur Europe 1 ce "défi majeur" qui attend les professeurs.
"Il faut parler de cette mort violente avec beaucoup de pédagogie"
Sébastien Ledoux a enseigné dix ans à Grigny, en région parisienne. Il a enquête pendant trois ans sur le monde scolaire pendant et a constaté, après avoir recueilli de nombreux témoignages, de nombreuses tensions lors de l’hommage à Charlie Hebdo en janvier 2015. Un scénario qui pourrait se répéter lundi.
"Il faut avoir en tête qu’on est devant un défi majeur. La minute de silence crée une communauté de deuil, ce qui veut dire y faire rentrer les élèves. Il y a différents âges, puisque ça va de l’école primaire au lycée. Il faut parler de cette mort violente avec beaucoup de pédagogie. Il faut savoir comment parler de cette mort violente, qui touche au cœur du système d’éducation", a expliqué le chercheur.
"Il faut être prêt à avoir face à soi des élèves qui ne se sentent pas concernés"
"La difficulté pour les enseignants sera supplémentaire puisqu’il s’agit d’un professeur qui a été assassiné. Ils pourraient être confrontés à des élèves qui ne se sentent pas concernés", craint Sébastien Ledoux. "Il faut organiser cela et être prêt à avoir face à soi des élèves non concernés. Ça peut être par exemple des élèves qui vont dire : ‘il l’a bien cherché’, comme on a pu l’entendre lors de l’attentat de Charlie Hebdo. Un élève peut aussi tourner le dos, ou alors il se met en retrait ou à part au moment du recueillement", a pris comme exemple le chercheur.
Mais Sébastien Ledoux appelle à ne pas faire de ces élèves récalcitrants des islamistes en devenir. "Il y a toute une gamme. Si les élèves ne se sentent pas concernés, il ne faut pas leur attribuer pour autant le partage d’une idéologie islamiste. Au-delà de la minute de silence, il faut revenir sur la question de la laïcité, de la liberté d’expression", a-t-il conseillé.