C'est une petite révolution qui secoue les deux plus prestigieux lycées publics parisiens, Louis-le-Grand et Henri IV. En septembre prochain, ce ne sont plus les enseignants eux-mêmes qui recruteront les élèves admis en seconde sur dossiers, mais une plateforme informatisée. La fin d’une exception ancestrale. Ces deux symboles de l’excellence à la française vont donc être intégrés dans la procédure générale de répartition des quelques 15.000 collégiens parisiens qui passent en seconde, une décision du rectorat de Paris qui a généré un vent de contestations.
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Jusque-là pour entrer dans ces deux célèbres lycées, il fallait monter un dossier très solide, avec les bulletins de notes, bien sûr, mais aussi une lettre de motivation et très souvent aussi une lettre de recommandation du professeur principal. Chaque année, il y a 2.000 candidatures pour 300 places, et les 300 élèves sélectionnés par les enseignants eux-mêmes, sont issus de 150 à 200 collèges différents, répartis dans toute la France.
Plus de boursiers pour élargir l’élite
Dès lors, pourquoi "casser" cette exception ? Depuis 2020, l’académie de Paris mène une grande réforme, visant à apporter plus de transparence et plus d’équité dans les 45 lycées publics de la capitale. Pour y arriver, le logiciel "Affelnet" fait le tri en se basant sur plusieurs critères : la proximité géographique, les spécialités choisies par l’élève, mais aussi un indice de position sociale qui prend en compte les catégories socio-professionnelles des parents. L’objectif est assumé : renforcer la mixité sociale dans l’enseignement public grâce à une meilleure répartition des élèves boursiers. Ils sont actuellement autour de 9% à Louis-le-Grand et Henri IV, contre 24% pour l’ensemble de l’académie.
La chasse aux "oasis de réussite"
Cette réforme ambitionne de promouvoir la diversité sociale dans l’enseignement public, mais aussi de lisser le niveau des lycées parisiens. Pour Olivier Babeau, président-fondateur de l’Institut Sapiens et professeur à l’Université de Bordeaux, niveler par le bas est toujours la méthode la moins difficile. "C’est peut-être le début de la fin de l’excellence, en tous cas c’est vraiment aller dans le mauvais sens. C’est vraiment mauvais signe. On devrait essayer de multiplier les centres d’excellence comme Louis-le-Grand et Henri IV partout en France, plutôt que de les supprimer dans leur spécificité", explique-t-il avant de poursuivre.
"L’excellence n’a plus bonne presse parce qu’elle n’est pas égalitaire, elle est censée humilier ceux qui ne sont pas excellents, elle est censée créer des différences qui sont devenues inacceptables. On ne croit plus que nos élites sont plus capables que les autres. On casse ce qui marche pour éviter de trop montrer ce qui ne marche pas."
Lundi soir, face aux vives critiques, le rectorat a promis des ajustements, notamment la poursuite du recrutement sur dossier mais uniquement pour les élèves non-parisiens. La réforme se ferait donc en plusieurs étapes. En attendant, les professeurs, les élèves et les parents d’élèves de ces deux lycées ne décolèrent pas.