La polémique enfle autour de la juge d'instruction antiterroriste qui a accepté de libérer Adel K. sous conditions après dix mois de prison. Sur Europe 1 jeudi, son confrère Marc Trévidic, ancien juge au pôle antiterroriste de Paris, a choisi de prendre sa défense, arguant l'extrême difficulté à saisir la nature profonde de certains djihadistes.
A l'abri de rien. "Je ne lui jetterai pas la pierre", affirme Marc Trévidic. "C’est tellement difficile. On est face à des gens parfois très pervers et très doués pour convaincre et dissimuler", soutient-il. "Je ne suis pas du tout sûr que moi je n’ai pas fait d’erreur, que j’ai pu faire confiance à des gens potentiellement dangereux". C'est pour cette raison que, depuis longtemps, Marc Trévidic "prône la collégialité, que trois magistrats décident la mise en détention et la libération". "On fait peser ça sur un juge unique, c’est le choix de la République pour une justice à faible coût", critique-t-il.
"Suffisamment dangereux". Adel K. avait été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, dès mars 2015, pour avoir tenté de rejoindre la Syrie à deux reprises. Lors de sa seconde tentative, en mai 2015, il avait été de nouveau mis en examen et avait été incarcéré. A chaque fois, c'est Marc Trévidic qui a été chargé de son cas. S'il défend sa consœur, il avait cependant jugé le terroriste de Saint-Etienne-du-Rouvray "suffisamment dangereux pour qu’il aille en prison".
L'art de la dissimulation. Au cours de ses discussions avec Adel K., Marc Trévidic a rapidement réalisé que le jeune homme, à peine majeur, maniait déjà parfaitement "la 'Taqiya', l'art de la dissimulation". Une arme utilisée par nombre de criminels, et particulièrement les islamistes. "Vous essayez de parler avec eux, ils vous sourient, ils sont aimables. Et puis vous comprenez que ça glisse, aucun discours ne les atteint", constate-t-il.
La parallèle avec Larossi A. L'ancien juge antiterroriste fait par ailleurs ce parallèle : "sur la dernière période, deux personnes me préoccupaient beaucoup dans ce même profil : c’est Larossi A. (le tueur de Magnanville, ndlr) et Adel K. Je trouve qu’ils se ressemblent beaucoup car on n’avait pas de prise sur eux". Adel K. était "quelqu'un de très déterminé". Au juge antiterroriste, il répétait "faites-moi confiance, laissez-moi encore une chance", alors même qu'il avait déjà violé son contrôle judiciaire.