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Thibauld Mathieu
En janvier dernier, un célèbre dessinateur de BD a été condamné pour harcèlement et injure publique à l'égard de Mégane, 27 ans. Au micro d'Olivier Delacroix mercredi, elle raconte les messages de haine, les pensées suicidaires, et le combat pour se reconstruire.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

La cyber-haine, elle y a été confrontée brutalement, en août 2016. Cet été-là, Mégane, freelance en informatique et militante féministe, se réjouit sur Facebook de la suppression de la page officielle d'un dessinateur de bande-dessinée. Celui-ci, décrié pour ses dessins misogynes, homophobes ou racistes, accuse alors la jeune femme d'en être à l'origine et invite ses fans à lui envoyer "3-4 messages". S'en suit une déferlante d'insultes sur les réseaux sociaux. Comme elle le raconte mercredi au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1, Mégane, 27 ans aujourd'hui, a alors dû mener un long et rude combat. Mais si le dessinateur a finalement été condamné par la justice, en janvier dernier, le harcèlement continue, assure-t-elle.

"À l'époque, quand j'ai posté un message sur mon mur privé en disant que j'étais contente, il m'a pris pour cible en annonçant à tous ses fans que j'étais la responsable de la fermeture de sa page. Il a mis mon nom et mon prénom devant tout le monde, en expliquant que je ne devais pas être surprise si je recevais "3-4 messages". Et ça n'a pas raté, les gens l'ont suivi immédiatement. Sur ma boîte de messagerie privée, j'en ai reçu environ 1.200. Sans compter les commentaires partout sur Internet, les articles, les messages de forum… Clairement, j'ai été dépossédée de mon identité.

Il y a eu des commentaires assez racistes comme : 'On vous écrasera comme on l'a toujours fait, les juifs vous ont rendue intouchable, c'est bientôt la fin. Retour au bled, remigration, fini l'Occident, retour à la gangrène'. On m'a aussi appelé 'la sœur Kouachi', en référence aux terroristes ayant perpétré l'attentat contre Charlie Hebdo… On m'a expliqué que j'étais une féministe islamiste, que je devais rentrer chez moi me faire lapider…

Entendu sur europe1 :
Sur le coup, j'ai eu des pensées suicidaires

J'ai eu très peur. Sur le coup, j'ai eu des pensées suicidaires, puis je me suis ressaisie, et j'ai demandé à des amis de m'aider à sécuriser mes comptes, à compter les messages, à faire une veille. On surveillait les messages et les commentaires pour voir s'il y avait des informations personnelles, comme mon adresse ou mon numéro de téléphone par exemple.

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

Je me suis ensuite beaucoup mise en retrait sur les réseaux, ce qui était très compliqué au début parce que je travaillais dans l'informatique. Ça a été un peu un déchirement de me retirer des réseaux. Aujourd'hui, je participe beaucoup moins, j'essaye d'être très discrète.

Clairement, je continue d'avoir peur. Parce que j'ai porté plainte, mais même en ayant gagné le procès*, ça continue. Je pense qu'il n'a pas pris au sérieux la justice… Le jour de la fin de l'appel, il a posté un long message m'accusant d'être une menteuse, remettant en cause des personnes qui faisaient partie de ma vie et dont il avait lu le nom dans le dossier, les exposant à tout le monde. Menaces de mort, incitations au suicide…  Au bout d'un moment, je me dis qu'il ne comprendra jamais.

Entendu sur europe1 :
Le but ce n'est pas de le faire changer d'avis. Le but, c'est qu'il me laisse tranquille

Je pense qu'il me hait, mais je ne pense pas que cette haine soit dirigée contre moi personnellement, parce qu'il ne me connaissait pas à l'époque, nous n'avions jamais eu de contact. Je pense qu'il s'agit donc d'une haine de ce que je peux représenter, en tant que femme notamment.

Le but ce n'est pas de le faire changer d'avis. Le but, c'est qu'il me laisse tranquille. Il peut penser ce qu'il veut, je demande juste qu'il me laisse tranquille. Porter à nouveau plainte ? Non, actuellement, j'aimerais d'abord me reposer avant de réfléchir à repartir dans le système judiciaire."

*Le dessinateur a été condamné en janvier 2019 à une amende de 5.000 euros et 5.000 autres avec sursis, ainsi qu’à 2.000 euros d’indemnisation pour harcèlement, injure publique et usurpation d'identité