Meurtre de Sophie Toscan du Plantier : un procès en l'absence de l'accusé

Ian Bailey (ici en 2010) ne sera pas présent à l'ouverture de son procès en France, lundi.
Ian Bailey (ici en 2010) ne sera pas présent à l'ouverture de son procès en France, lundi. © AFP
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Margaux Lannuzel et Guillaume Biet
La justice irlandaise a toujours refusé d'extrader le journaliste Ian Bailey, principal suspect du meurtre commis en 1997. Il doit être jugé en son absence, à partir de lundi.

C'est une audience particulière, qui se tiendra à Paris, à partir de lundi. Plus de vingt ans après le meurtre de Sophie Toscan du Plantier, le journaliste irlandais Ian Bailey, 62 ans, principal suspect, doit comparaître aux assises. Mais au terme de multiples procédures, les autorités françaises n'ont jamais réussi à obtenir de l'Irlande l'extradition de l'accusé. Le procès aura donc lieu en son absence.

Un meurtre commis dans un petit village de pêcheurs d'Irlande

Les faits remontent au 23 décembre 1996, à Schull, sur la côte sud-ouest de l'Irlande. Sophie Toscan du Plantier, troisième épouse du procureur de cinéma et ancien patron de la société Gaumont Daniel Toscan du Plantier, est venue passer quelques jours seule dans sa maison isolée du petit village de pêcheurs - localité où aucun meurtre n'a jamais été commis. Son corps est retrouvé à la veille du réveillon de Noël, en contrebas de la bâtisse. En vêtements de nuit, il git dans une mare de sang, à proximité d'une grosse pierre et d'un parpaing. Le médecin légiste n'arrive sur place que 36 heures après les premières constatations de la police. Aucun ADN étranger à la victime n'est relevé. 

Le marginal Ian Bailey, journaliste et poète autoproclamé, est, lui, l'un des premiers à se rendre sur les lieux du crime. Et rapidement, ce voisin de la victime fait figure de suspect numéro un, peinant à justifier les égratignures qui couvrent son visage et ses avant-bras. Pour se défendre, il invoque des blessures causées par des dindes cuisinées pour les faites. Dans ses articles figurent des éléments jamais communiqués à la presse par les enquêteurs.

 

Une bataille judiciaire de plus de quinze ans

Entendu par la police, Ian Bailey nie en bloc. "Tout est faux", déclare-t-il dans les médias locaux. "Il y a eu tellement de mensonges dans cette affaire..." Placé en garde à vue début 1997, relâché, puis à nouveau entendu et libéré un an après les faits, il ne fait l'objet d'aucune poursuite dans son pays. En décembre 2001, un magistrat irlandais informe son homologue français - la famille de la victime a entre temps déposé plainte à Paris - qu'il n'envisage pas d'inculper le suspect, faute de preuves "au-delà du doute raisonnable". 

S'en suit une bataille judiciaire de plus de quinze ans, la France essayant d'obtenir l'extradition d'un suspect dont plusieurs témoins irlandais affirment qu'il leur a avoué le meurtre, parfois sous l'emprise de l'alcool. Les autorités françaises délivrent deux mandats d'arrêt à l'encontre de Ian Bailey en 2010 et 2016, mais Dublin refuse sa remise à la France, invoquant l'absence de réciprocité entre les deux pays en matière d'extradition.

"Ce qui se passe en France n'est pas juste"

Pour expliquer le refus de leur client - aujourd'hui vendeur de pizzas sur le marché de Schull - d'assister à son procès, ou même d'y être représenté, lundi, l'avocat irlandais Franck Buttimer a consenti à se déplacer jusqu'à Paris en amont de l'audience. "Ce qui se passe ici en France n'est pas juste, ce n'est pas correct", explique-t-il au micro d'Europe 1. "Le système français n'a aucun respect pour notre système de justice. Monsieur Bailey reste en Irlande, il est innocent dans notre pays", martèle-t-il, jugeant son client "condamné d'avance" dans le pays de Sophie Toscan du Plantier. 

"C'est vraiment très insultant pour la partie civile que nous sommes de dire que c'est une farce", répond le fils de la victime, Pierre-Louis Baudey-Vignaud, également interrogé par Europe 1, pointant des "éléments à charge qui sont innombrables". "Il faut savoir que cet accusé a battu sa femme à plusieurs reprises, qu'elle est allée à l'hôpital, qu'elle a porté plainte", insiste le trentenaire, partie civile au procès. "Nous, on se bat pour avoir la vérité, pour savoir ce qui s'est passé cette nuit-là." Absent des débats, Ian Bailey encourt 30 ans de réclusion criminelle. En cas de condamnation, il devrait faire l'objet d'une nouvelle demande d'extradition.