"On est face à des invasions systématiques". Les mots de Jacques Gounon, le PDG d’Eurotunnel, mercredi, sur les intrusions de migrants dans le tunnel sous la Manche sont forts. Et à la hauteur des chiffres qu’avance son groupe depuis quelques jours. Pourtant, sur le terrain, à Calais, les associations disent ne pas avoir constaté d’explosion migratoire. Explications.
Les chiffres d’Eurotunnel. Dans la nuit de lundi à mardi, le groupe assure que ce sont environ 2.000 migrants qui ont tenté de rentrer sur le site. La nuit suivante, Eurotunnel détecte encore 1.500 tentatives d’intrusion. Et une nouvelle fois, un migrant perd la vie lors de cette tragique nuit, le neuvième décès de migrants depuis début juin aux environs du site. Mercredi, Eurotunnel affirme encore avoir intercepté 37.000 migrants par ses propres moyens depuis le début de l’année.
"On est plutôt dans une légère baisse". Face à ces chiffres, les associations contactées par Europe 1 partagent toutes le même constat : non, la pression migratoire ne s’est pas accentuée ces derniers temps. Bien au contraire, selon Christian Salomé, bénévole à l’association L’Auberge des migrants : "il y a une stabilisation du nombre de migrants à 2.500 en ce moment, alors qu’avant on était plutôt à 3.000. On est donc plutôt dans une légère baisse".
Ne pas confondre le nombre de migrants avec le nombre d’interceptions. Les associations mettent aussi en garde contre une confusion qui est souvent faite entre le nombre de migrants et le nombre d’interceptions. Une même personne peut, en effet, tenter plusieurs fois de pénétrer sur le site d’Eurotunel. "Quand on parle de 2.000 intrusions, en réalité ce sont entre 150 et 300 personnes maximum", révèle Vincent De Coninck, le délégué du Secours Catholique du Pas-de-Calais. "les chiffres avancés sont du délire, on a un vocabulaire de guerre là, alors que ce n’est pas ce que l’on voit sur le terrain".
Pourquoi ces chiffres ? Pourquoi Eurotunnel communique-t-il autant en ce moment et sur des chiffres contestables, qui plus est ? "C’est une façon pour eux, peut-être, de mettre la pression sur les gouvernements pour obtenir des dédommagements", répond pudiquement Vincent De Connikc. "Et ils les ont obtenus ces dédommagements", avance plus fermement Philippe Vannesson, auteur du blog Passeurs d’hospitalité. "Le gouvernement britannique va débloquer une aide de 10 millions d’euros pour Eurotunnel".
Une position à l’opposée du gouvernement français qui maintient une ligne très ferme face à Eurotunnel. Le groupe avait réclamé, il y a une semaine, un dédommagement aux Etats français et britannique. Bernard Cazeneuve y avait répondu dans une lettre au ton cassant. Le ministre de l’Intérieur pointait alors des “accusations outrancières dans la forme, inexactes sur le fond”, reprochant à l’exploitant d’avoir “divisé par trois les moyens humains qu’il consacre à la sécurisation du site”.