Dans un campement sauvage au cœur de la forêt, dans le Pas-de-Calais, une dizaine de Vietnamiens fument la pipe à eau et tuent le temps grâce à des jeux. Des odeurs de fumée se mêlent aux senteurs de riz cuit dans une marmite. Ils attendent de traverser vers l'Angleterre, à l'arrière d'un camion, et, ce, malgré le danger. Près d'une semaine plus tôt, les corps de 39 personnes ont en effet été découverts dans la remorque d'un camion, près de Londres. L'identification des victimes est toujours en cours mais il pourrait s'agir de ressortissants Vietnamiens, et non Chinois comme annoncés par la police dans un premier temps.
Les yeux rivés sur son smartphone, Dean est inquiet, bien conscient que cela aurait pu être son corps découvert dans ce camion. Impossible, toutefois, de changer ses plans. "Cela fait peur mais on doit le faire quand même, traverser, aller travailler au Royaume-Uni, c’est un projet familial. Il y a une dette sur ma tête, j’ai emprunté à une banque au Vietnam et si je ne rembourse pas ils saisiront la maison de mes parents". Sa dette est de plus de 30.000 euros, soit 15 fois le salaire annuel d’un Vietnamien.
"On peut parler de mafia"
Benoît, membre de Fraternité migrants, découvre cette autre filière de trafic d'être humain, opaque et rodée : "Je pense qu’on peut parler de mafia, c’est un réseau qui a des ramifications partout. Ça passe par la Chine, la Russie, la République tchèque, la Pologne, la France, l’Angleterre elle-même mais tout cela est piloté par le Vietnam". C'est d'ailleurs un appel en vietnamien qui arrivera bientôt sur le portable de Dean avec des instructions du passeur de s’entasser dans un camion, direction l’Angleterre.
Ces exilés vietnamiens ne sont pas les seuls à tenter l'aventure outre-Manche. Dimanche, à Calais, huit migrants afghans, dont quatre mineurs, ont été découverts en hypothermie dans un camion. Mohammed, 22 ans et originaire du Soudan, a déjà tenté une fois de rejoindre l'Angleterre avec un tél procédé : "C’était il y a deux mois environ, on est montés dans un camion avec un ami. Il faisait déjà froid. Quand le poids lourd a commencé à rouler, il faisait de plus en plus froid c’était insupportable. Ça a duré une heure environ. Heureusement le conducteur s’est arrêté, il est venu nous ouvrir. On l’a remercié, sans lui on serait mort. Ça m’a servi de leçon, plus jamais ce genre de camion, c’est trop dangereux", a-t-il déclaré.