Un rapport médical, réalisé à la demande de la famille d'Adama Traoré, contredit radicalement les conclusions de l'enquête sur la mort du jeune homme lors de son interpellation en juillet 2016, jusqu'ici attribuée à son état de santé antérieur. Cette expertise de quatre professeurs des hôpitaux de Paris a été transmise lundi aux juges d'instruction parisiens. Ces juges avaient bouclé leurs investigations mi-décembre sans avoir mis en examen les gendarmes, faisant craindre à la famille un non-lieu dans ce dossier qu'elle a érigé en symbole des violences commises par les forces de l'ordre.
Les médecins choisis par la famille s'accordent avec trois des quatre expertises précédentes pour attribuer le décès du jeune homme à "un syndrome asphyxique aiguë", selon le rapport dont l'AFP a eu connaissance. Mais ils excluent que l'état de santé antérieur du jeune homme de 24 ans ait pu en être à l'origine, comme l'affirme au contraire l'expertise médicale de synthèse remise aux juges en septembre. Ils invitent donc à "se poser la question de l'asphyxie positionnelle ou mécanique", ce qui tend vers une mise en cause de la technique d'interpellation des gendarmes.
Les médecins dénoncent "des conclusions biaisées". "L'expertise judiciaire de septembre concluait, pour sa part, que le pronostic vital du jeune homme était "engagé de façon irréversible" avant son arrestation. Selon ces quatre autres médecins mandatés par la justice, c'est une maladie génétique, la drépanocytose, associée à une pathologie rare, la sarcoïdose, qui a entraîné une asphyxie à l'occasion d'un épisode de stress et d'effort.
Selon les professeurs auteurs du nouveau rapport, cette conclusion, en attribuant le décès à une "évolution naturelle d'un état antérieur au décours d'un effort", est "médicalement fausse car elle ne repose que sur des spéculations théoriques sans fondement scientifique, en l'état actuel des connaissances". Les médecins dénoncent des "conclusions biaisées sur le plan intellectuel, voire de l'éthique médicale". Parmi ces quatre praticiens choisis par la famille, deux sont des spécialistes de la drépanocytose et de la sarcoïdose.
Un rapport versé au dossier. Ce nouveau rapport a été versé au dossier deux jours avant l'expiration du délai offert aux parties pour faire des observations ou des demandes d'actes aux magistrats instructeurs, avant les réquisitions du parquet et la décision finale des juges. Le 19 juillet 2016, la mort d'Adama Traoré avait été constatée dans la caserne des gendarmes de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise, dans le Val-d'Oise.