Les usagers de la ligne 6 du tramway d'Île-de-France ont dû prendre leurs dispositions ce jeudi. Car aucune rame ou presque ne fonctionnait en raison d'un "obstacle sur la voie", dixit la RATP. Il s'agissait en réalité d'une rame totalement détruite par les flammes et qui portait les stigmates d'une deuxième nuit de violences urbaines.
Depuis mardi matin et la mort du jeune Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre après un refus d'obtempérer, colère, tristesse et indignation se mélangent dans les quartiers populaires. Et se traduisent, une fois la nuit tombée, par des émeutes qui ne sont pas sans rappeler celles qui avaient embrasé le pays en 2005 après la mort de Zyed et Bouna. Coursés par des policiers, ces deux jeunes adolescents avaient trouvé refuge dans un transformateur EDF avant de perdre la vie, électrocutés.
Le rôle des réseaux sociaux
Un parallélisme entre les deux évènements que d'aucuns n'ont pas hésité à établir. Or en 2005, les violences avaient duré trois semaines, fait trois morts et 217 blessés. La crainte de revivre un tel scénario commence à émerger. D'autant que les deux situations présentent, effectivement, d'importantes similitudes. "On a des émeutes qui partent d'Île-de-France et qui se sont étendues à Lille, Bordeaux, Toulouse, Roubaix etc... Cette propagation à l'échelle nationale caractérisait déjà les émeutes de 2005", remarque Thomas Sauvadet maître de conférences à l’Université Paris Est-Créteil et spécialiste des violences urbaines.
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Certains éléments participent même à accentuer le phénomène en 2023, par rapport à 2005. "Aujourd'hui, il y a les réseaux sociaux qui permettent une diffusion très rapide des images, ce qu'on avait pas forcément en 2005", pointe Thierry Clair, secrétaire général adjoint du syndicat de police Unsa. Le tir du policier ayant coûté la vie au jeune Nahel a, en effet, été filmé avant d'être massivement relayé sur les réseaux sociaux. Des plateformes qui peuvent également servir à fédérer et à organiser des rassemblements susceptibles de basculer dans la violence.
Déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police-FO, Linda Kebbab alerte, quant à elle, sur l'usure mentale des policiers, confrontés depuis plusieurs mois à d'importants mouvements sociaux qui ont parfois conduit à des débordements. "Il y a aussi une décomplexion totale des violences contre les figures d'autorité que ce soient les policiers, les professeurs ou les maires. Une décomplexion qui concerne aussi les jeunes, voire les très jeunes vis-à-vis de la violence. Beaucoup de mineurs sont impliqués ces 48 dernières heures dans des faits de violence. C'est quelque chose que l'on observait pas en 2005", ajoute la policière, peu optimiste pour les jours et les semaines à venir.
"Il n'y a pas l'aspect religion et islam"
Néanmoins, certaines dissemblances par rapport aux évènements d'il y a 18 ans constituent des motifs d'espoir. Thomas Sauvadet évoque par exemple la succession d'incidents qui, en 2005, avaient selon lui contribué à attiser la colère grandissante, jusqu'à l'explosion. Il cite notamment la petite phrase prononcée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, qui avait appelé à "nettoyer la cité au Kärcher". "Il y donc eu cette formule, ensuite la mort de Zyed et Bouna et enfin ces tirs de gaz lacrymogènes par des policiers dans une mosquée. C'est le cocktail des trois qui avait créé un mouvement émeutier à l'échelle nationale", se souvient l'universitaire.
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Un enchaînement de faits qui n'est pas observé, pour l'heure, dans le cas de la mort de Nahel. "Il n'y a pas l'aspect religion et islam, on n'a pas d'homme politique qui arrive en disant 'je passe tout au Kärcher'. Donc on a plutôt des variables en moins qui devraient, normalement, réduire la portée du mouvement cette fois-ci", estime Thomas Sauvadet.
La rapidité de l'action judiciaire
Thierry Clair croit de son côté à la possibilité d'un apaisement après la conférence de presse du procureur de Nanterre qui s'est tenue ce jeudi. "Il y a eu une explication du déroulé des faits. Et on s'aperçoit que l'on avait quand-même affaire à un jeune récidiviste. Donc est-ce que ces déclarations peuvent avoir une incidence sur les casseurs ? Je ne pense pas mais par contre sur l'environnement ambiant, peut-être en partie", assure-t-il.
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Et en dépit de l'indignation voire de la rage qui se sont emparées de certains quartiers depuis 48 heures, l'ambiance n'est pas à la révolte, assure Jeff Puech, président de l'association Ovale citoyen qui accompagne le club de rugby à XIII dans lequel évoluait le jeune Nahel. "Je viens de discuter avec des jeunes de Nanterre et la fête du rugby, qui était prévue le 8 juillet, est bel et bien maintenue. Et ça c'est hyper important, c'est un signe favorable. Cela signifie que les associations de quartier se projettent déjà dans un horizon très court".
Pour échapper aux vagues de violences de 2005, beaucoup misent également sur la rapidité de l'action judiciaire. Le policier auteur du tir mortel a été mis en examen ce jeudi et placé en détention provisoire.