Frappée jeudi par des orages meurtriers, avec des rafales à plus de 200 km/h qui ont fait cinq morts à travers l'île, la Corse était encore sonnée vendredi matin. Mais la menace s'éloignait, avec la levée de la vigilance orange par Météo-France. "Un vent de mort" : la Une du quotidien Corse Matin traduisait bien le choc dans l'île de Beauté. Car jeudi matin, c'est un phénomène "exceptionnel" qui s'est abattu sur l'île, selon Météo France, avec des vents extrêmement violents et non prévus, qui, en quelques heures seulement, ont provoqué des dégâts énormes.
Dans les campings, les stigmates de ces éléments déchaînés étaient encore incontournables : à "La Pinède" à Calvi (Haute-Corse), ce camping où un homme de 45 ans a perdu la vie, les toits de tôle de plusieurs bungalows sont écrasés sous le poids d'immenses pins déracinés.
12.500 personnes "mises en sécurité" pour la nuit
Arrivé en Corse jeudi après-midi, avec un passage dans un autre camping frappé par les rafales, à Sagone, en Corse-du-Sud, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est arrivé à Calvi vendredi matin, après une visite matinale au chevet de plusieurs blessés à l'hôpital d'Ajaccio.
Dans la crainte d'un nouvel épisode orageux dangereux, la Corse avait été placée en vigilance orange jeudi soir. Et une cellule interministérielle de crise présidée par Emmanuel Macron depuis le fort de Brégançon (Var) avait été activée pour anticiper les mesures à prendre pour l'île de Beauté.
À Calvi, la Légion étrangère a fait évacuer des familles entières de touristes à la nuit tombée, au moyen de camions militaires. Au total, quelque 12.500 personnes venant des différents campings de Corse ont été "mises en sécurité" pour la nuit, selon les préfectures. Ils sont arrivés ensuite par centaines dans des écoles ou des centres sportifs de toute l'île, pour dormir, qui sur son matelas de tente, qui sur des lits de camp installés pour l'occasion.
"Identifier les bateaux échoués"
Laura Dennequin, 30 ans, qui a dormi dans le centre sportif Calvi Balagne, témoignait auprès de l'AFP d'une grande solidarité entre évacués : "On s'est beaucoup entraidé, parce qu'on n'était pas certains d'avoir des lits de camp à temps, donc on est allé au Spar du coin chercher des matelas pour piscine." "Les orages on les a entendus vers 2 heures, 2h30, mais après ça s'est calmé", a-t-elle ajouté.
Malgré la vigilance orange, les préfectures n'ont fait état d'aucune intervention notable vendredi matin. En début de matinée, des orages grondaient de nouveau sur Ajaccio, a constaté l'AFP, engendrant une pluie soutenue, mais dès 10 heures, Météo-France a levé la vigilance orange sur l'île. Comme prévu la veille. "Des averses orageuses concernent toujours l'île jusqu'en milieu d'après-midi, notamment la partie sud, avec une possible hausse d'activité temporaire en cette fin de matinée. Mais l'intensité de ces orages ne nécessite toutefois plus un maintien en vigilance orange", expliquait l'organisme dans son dernier bulletin.
Cinq victimes, de 13 à 72 ans
Le plus lourd tribut à la tempête meurtrière de jeudi a été celui d'une famille autrichienne, avec la mort de leur adolescente de 13 ans, tuée par la chute d'un arbre sur sa tente, au camping de Sagone. Sa sœur, qui se trouvait dans la même tente, a été blessée mais n'était plus en urgence absolue vendredi matin. Très gravement blessé, l'oncle des jeunes filles, qui dormait dans une tente voisine, a été transféré à Bastia pour être opéré.
Les autres victimes sont une septuagénaire, tuée à quelques kilomètres du camping de Sagone par la chute du toit d'une paillote sur son véhicule, et deux personnes retrouvées en mer : un pêcheur de 62 ans et une kayakiste de 60 ans.
"On se réjouissait de cette pluie annoncée"
Vendredi matin, la Préfecture maritime a indiqué à l'AFP n'avoir "aucune inquiétude sur des personnes (en mer) dont on serait sans nouvelle et qui auraient été signalées par la famille". Mais "il faut aller vérifier, en identifiant les bateaux échoués ou endommagés, si les propriétaires étaient à bord et s'ils ont réussi à s'en sortir par eux-mêmes en se mettant à l'abri ou s'ils n'étaient pas à bord". Jeudi soir, les deux préfets de Corse avaient donné consigne d'interdire les sorties des ports pour empêcher que les gens reprennent la mer.
"Le paradoxe (...) c'est qu'on se réjouissait de cette pluie annoncée, car elle allait faire reculer les risques d'incendies", a déploré Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, vendredi matin sur Radio Classique : "Mais la pluie normale annoncée s'est transformée en un ouragan de vent meurtrier et on s'est retrouvés confrontés à une situation totalement imprévisible ou en tout cas inattendue."