La Cour de cassation doit se prononcer mercredi sur la relaxe prononcée en appel en 2016 pour Jean Mercier, 89 ans, qui avait aidé sa femme à mourir. Cette affaire a été portée comme étendard du droit à mourir dans la dignité. Y a-t-il eu des changements dans la loi Claeys-Leonetti depuis ? Europe 1 fait le point.
Le "suicide assisté" ou "euthanasie" est toujours interdit par la loi
Si le parquet de Lyon s'est pourvu en cassation pour faire réexaminer la relaxe de Jean Mercier c'est au nom de cette interdiction. Légalement, le suicide assisté tel qu'il a été pratiqué par l'octogénaire est toujours considéré comme un "homicide volontaire". Mais cette qualification reste à l'appréciation des juges puisque Jean Mercier a été condamné pour "non-assistance à personne en danger" en première instance (2014). L'octogénaire a ensuite été relaxé en appel.
Néanmoins cette interdiction pose toujours question. Elle a d'ailleurs été portée sur le devant de la scène médiatique par le témoignage de l'écrivaine Anne Bert qui avait interpellé en avril dernier les candidats à l'élection présidentielle sur son droit à mourir. Souhaitant "choisir sa fin de vie", la patiente atteinte de la maladie de Charcot a finalement eu recours au suicide assisté en octobre dernier en Belgique où il est autorisé.
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Le droit à la "sédation profonde" jusqu'à la mort
Dans ce domaine sensible, c'est la loi Claeys-Leonetti de février 2016 qui fait foi. Or elle n'autorise qu'à une "sédation profonde et continue" jusqu'au décès. Mais ce droit n'est ouvert qu'à un patient atteint d'une "affection grave et incurable", dont le "pronostic vital est engagé à court terme" et qui présente une "souffrance réfractaire aux traitements". Dans ce cas, et s'il le demande explicitement, le patient a le droit d'être endormi et jamais réveillé. La loi prévoit également la suspension d'un traitement qui a pour seul objet le maintien en vie artificiel du patient.
Le choix est laissé aux patients et non aux médecins
Parmi les autres avancées de cette loi sur la fin de vie, le caractère désormais contraignant des directives anticipées. Tout un chacun peut écrire, sur papier libre ou sur un document mis à disposition par le ministère de la Santé, ses volontés "sur les décisions à prendre lorsque vous serez en fin de vie, sur les traitements ou actes médicaux qui seront ou ne seront pas engagés, limités ou arrêtés". Cet écrit prévaut sur les décisions de la famille ou des médecins pour lesquels il est désormais contraignant, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors.
Néanmoins un certain contrôle existe puisqu'en cas d'impossibilité pour le patient d'exprimer lui-même ses volontés, une procédure collégiale doit être mise en oeuvre par l'équipe soignante pour s'assurer qu'il s'agit bien de sa décision libre.
Le choix d'une personne de confiance
Le patient candidat à cette sédation profonde peut également désigner une "personne de confiance" qui l'assistera dans ses décisions et dont le témoignage prévaudra sur celui de tout autre pour faire respecter ses volontés. Un formulaire pour déclarer cette personne est également disponible sur le site du ministère de la Santé.
Une loi difficile à faire appliquer systématiquement
Pourtant cette loi n'est pas pleinement appliquée comme en témoigne la bataille judiciaire qui oppose l'épouse de Vincent Lambert - cet infirmier hospitalisé dans un état végétatif depuis neuf ans - favorable à un arrêt des traitement, et aux parents de son époux qui souhaitent le maintenir en vie.
À en croire Anne de la Tour, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) interrogée par La Croix, certains médecins sont encore réticents à pratiquer la sédation profonde. Finalement la décision semble toujours entre les mains des professionnels de santé. Par ailleurs le texte ne tranche pas fermement sur la différence entre "faire dormir" et "faire mourir", une nuance ténue mais qui permet à certains médecins de refuser l'arrêt d'un traitement ou une sédation profonde.
Des Français favorables à une évolution de la loi sur la fin de vie
Après ces cas médiatisés, une large majorité de Français se déclare favorable à une évolution de la loi sur la fin de vie. Selon un sondage Ifop de mars 2017, 90% des Français sont favorables à un suicide médicalement assisté et 95% se déclarent ouverts à l'euthanasie. Pourtant, fin 2017, le "droit à mourir dans la dignité" n'est pas reconnu en France.
Ces affaires qui ont bouleversé les débats sur la fin de vie
Jean Mercier a aidé sa femme à mourir. En 2011, face à la détresse de son épouse, Jean Mercier a aidé Josiane à mourir. Un acte d'amour pour la libérer de la dépression chronique dont elle souffrait depuis des années ainsi que des conséquences d'une tentative de suicide. À la demande de celle qu'il avait épousée 55 ans plus tôt, Jean Mercier a préparé 28 comprimés de somnifères qu'il lui a donnés assortis d'une large dose de morphine.
Il a été condamné à un an de prison avec sursis trois ans plus tard puis relaxé ensuite par la cour d'appel de Lyon en novembre 2016. Une décision contestée par le parquet qui a formé un pourvoi en cassation.
Vincent Lambert au cœur de la bataille entre sa femme et ses parents. À la suite d'un accident de la route en 2008, Vincent Lambert devenu tétraplégique est hospitalisé dans un état végétatif depuis 2011. Depuis 2014, sa famille se déchire. Son épouse et le neveu de Vincent Lambert sont favorables à l'arrêt des soins qui le maintiennent en vie au CHU de Reims. À l'inverse, ses parents souhaitent les poursuivre. Les deux parties s'affrontent depuis plusieurs années à coup de recours en justice jusqu'à la cour européenne des droit de l'homme en passant par le Conseil d'État.
L'équipe médicale de Reims doit se réunir pour une quatrième procédure collégiale à la demande du neveu du patient. La décision d'arrêt des soins (constitués de l'hydratation et de la nourriture de Vincent Lambert) n'étant toujours pas appliquée par l'équipe médicale.
Anne Bert a porté le suicide assisté pendant la campagne présidentielle. De son côté, l'écrivaine Anne Bert a elle-même plaidé sa cause auprès des candidats à l'élection présidentielle en 2016. Atteinte de la maladie dégénérative et incurable de Charcot, elle estimait que sa "mort [lui] appartient", au micro d'Europe 1. "C'est ce que j'appelle la double peine. Je sais que je suis condamnée mais en plus je dois chercher une porte de sortie en dehors de mon pays. C'est une horreur ajoutée à l'horreur de la maladie".
À la suite de ce témoignage, le candidat Emmanuel Macron ne s'était pas clairement prononcé tandis que Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon s'était montrés favorables à l'euthanasie. De leur côté, François Fillon avait déclaré souhaiter un meilleur accès aux soins palliatifs. Quant à Nicolas Dupont-Aignan, il s'était opposé à toute aide médicale en fin de vie.