Les images sont impressionnantes. Un rorqual commun, le deuxième plus grand animal vivant sur la planète, amaigri, affaibli... et sur le point de mourir. La photo a été prise au large de Toulon, le 2 juillet dernier, par le photographe Alexis Rosenfeld. Et la baleine en question, Fluker, n'est pas une inconnue. Depuis 25 ans, elle arpente la Méditerranée et est observée notamment par les ONG, comme le WWF. "C'était une vieille amie", se désole Denis Ody, responsable du programme Cétacés de la branche France de l'organisme de défense des animaux. Aujourd'hui, Fluker est un "cadavre ambulant".
"Il n'y a plus qu'un squelette"
Que s'est-il passé pour qu'un animal qui mesure environ 20 mètres et peut atteindre les 70 tonnes se retrouve dans cet état ? C'est dans les années 1990 que Fluker s'est fait un nom, en percutant en navire. La baleine avait alors perdu la moitié de sa queue. Cette nageoire caudale amputée était devenue un signe distinctif.
Crédit : WWF
Mais au mois d'août 2019, la nageoire avait été totalement arrachée. Comment ? Pourquoi ? Les cétologues s'interrogent : une autre collision, peut-être, à moins qu'un engin de pêche abandonné ait sectionné le reste de la queue.
Toujours est-il qu'avec un simple moignon, Fluker ne peut plus plonger, donc plus se nourrir. Les rorquals communs s'alimentent en effet avec des petites crevettes, le krill, qui se trouvent à de grandes profondeurs. "C'est à pleurer", se désespère Denis Ody. "Il n'y a plus qu'un squelette. Là où, normalement, il y a des bosses, ce ne sont que des creux. Elle est couverte de parasites parce qu'elle est extrêmement affaiblie. C'est une baleine totalement efflanquée, qui respire à peine. Franchement, c'est pathétique."
À titre de comparaison, voici à quoi ressemble un rorqual commun sain :
Crédit : F. Bassemayousse / WWF France
Collision et pollution
Au-delà de ce cas particulier très impressionnant, le WWF veut alerter sur les autres baleines qui "meurent dans l'ombre". Car chaque année, l'ONG estime qu'entre 8 et 40 rorquals communs meurent à la suite d'une collision avec une embarcation. L'ONG réclame donc la création, au large des côtes françaises, italiennes et espagnoles, d'une "zone maritime particulièrement vulnérable". Cela permettrait d'imposer des changements d'itinéraires ou de réduire la vitesses des bateaux en dessous de 18 nœuds. Le risque de collision avec les grands cétacés est alors proche de zéro.
L'ONG demande aussi l'appui des pouvoirs publics pour le développement et le déploiement de systèmes anti-collision performants et la mise en oeuvre d'une réglementation plus stricte des engins de pêches "fantômes", souvent des filets perdus ou rejetés par les pêcheurs qui, en dérivant, empoisonnent ou blessent la faune sous-marine.
"Elle est clairement en train de mourir, si elle n'est pas déjà morte"
Vendredi, Arnaud Gauffier, directeur des programmes de WWF France, revient dans la matinale sur le sort d'une baleine blessée en Méditerranée par des filets de pêche. L'animal marin, amputée de sa queue, ne peut plus plonger en profondeur pour se nourrir et se trouve dans "un état de maigreur extrême", selon l'ONG.