Il avait fallu dix ans de lutte pour que le gouvernement renonce, en 1981, à l'extension d'un camp militaire sur le plateau du Larzac, sous la pression des paysans et de leurs nombreux sympathisants. À l'époque, les occupants se penchent sur un moyen juridique pour organiser la gestion des 6.300 hectares qui restent la propriété de l'Etat. Un bail emphytéotique de 60 ans est alors mis en place, permettant à une structure de louer les terres aux agriculteurs sur une très longue durée. Depuis, le site est géré collectivement. Un modèle cité en exemple lorsqu'il s'agit d'évoquer l'avenir de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, dont le gouvernement a promis l'évacuation quelle que soit la décision sur le projet d'aéroport. Le reporter d'Europe 1 s'est rendu le plateau du Larzac, à la rencontre de ceux qui font vivre cette région depuis plus de 35 ans.
L'usage de la terre. D'un côté de la route, qui mène chez Chantal Alvergnas, des clôtures délimitent les prés des brebis, de l'autre des panneaux "Terrains militaire, défense de pénétrer". Elle faisait d'abord partie de ceux que l'on appelait "les squatteurs", opposés à l'extension du camp, puis a développé sa propre bergerie. Depuis quelques années, elle s'occupe de la Société civile des terres du Larzac, créée en 1985, pour gérer les terres de l'Etat louées aux agriculteurs. "Le principe c'est l'usage de la terre, et non sa propriété. C'est à dire que les gens qui rentrent ici, sur les fermes, n'auront pas à acheter les terres, ce qui est le problème numéro un qui plombe les installations", explique l'agricultrice à Europe 1. "La maison que j'habite depuis 1982, quand je vais la quitter en 2025, j'aurai fait énormément d'aménagements, mais je devrai la quitter pour que le suivant ait la jouissance de tout le patrimoine. C'est comme ça que ça marche".
Pas d’investissement à faire. Il y a deux ans, Marion et Romain, deux jeunes ingénieurs agronomes, se sont lancés et ont repris les aromatiques d'Homs : ils produisent du pastis et du vinaigre, une idée de leurs prédécesseurs dont ils n'ont eu qu'à poursuivre l'activité. "On a quand même trois grands bâtiments en pierres, aucune banque ne nous aurait suivis sur le rachat de tous ces murs. On a des terres, on a de la surface, on a pas eu à s'endetter sur vingt ans. On a repris quelque chose qui fonctionnait, sur des bases assez solides, un projet idéal", témoigne la jeune femme.
"Les jeunes ont revitalisé le Larzac". Et pourtant, au départ, ça n'était pas gagné : Léon Maillet produisait du lait sur le plateau, bien avant l'arrivée des squatteurs. Au début, la cohabitation était compliquée, il l'admet, puis il a fini par se convertir à ce modèle. Selon lui, sans eux, le Larzac serait mort. "À l'époque, on était très inquiets de les voir arriver. Ce sont ces jeunes-là, ceux qui sont restés, qui ont revitalisé le Larzac. C'est les jeunes qui ont monté les choses, pas nous, les anciens", pointe-t-il. "Donc, je dis à Notre-Dame-des-Landes : heureusement qu'il y a des jeunes. Gardez-les ! Ils feront l'avenir de Notre-Dame des Landes". Et toutes ces exploitations peuvent voir l'avenir sereinement, puisqu'en 2012 l'Etat a prolongé leur bail jusqu'en 2083.
Et si Notre-Dame-des-Landes se terminait comme le Larzac ?