La découverte de cette algue filandreuse, originaire de la mer Rouge et de l’océan Indien, remonte au 15 décembre dernier. Lophocladia lallemandi avait déjà était observée dans l’archipel des Baléares. Le réchauffement actuel des eaux méditerranéennes, et le transport maritime semblent avoir favorisé le développement sur nos côtes de cette espèce habituellement rencontrée dans des eaux plus chaudes. L’homme est à l’origine de son introduction mais sa présence dans le Var et en Corse, selon des océanographes du MIO (Institut Méditerranéen d'océanologie), est un indicateur du réchauffement climatique.
Un échantillon de cette algue rouge a été prélevée par les équipes du parc national de Port-Cros.
Crédits : Frédéric Michel, Europe 1
Une mauvaise nouvelle pour l’environnement et l’économie
C’est lors d’une plongée dans les eaux du parc national de Port-Cros, que Lophocladia lallemandii, le nom savant de cette algue rouge a été découverte mi-décembre. Une algue tropicale, présente sur les côtes égyptiennes, solidement installée en mer Rouge et dans l’océan Indien, et qui généralement ne se développe pas en eaux froides. "Ça nous intéresse, parce que c’est un indicateur du changement climatique", souligne Charles-François Boudouresque, professeur émérite à l’institut méditerranéen d’océanographie (MIO).
"Mais la présence de l’algue rouge sur nos côtes, est une mauvaise nouvelle pour l’environnement et l’économie", insiste le scientifique. "Cette espèce invasive est susceptible de perturber le fonctionnement des écosystèmes locaux. Elle produit des molécules toxiques qui la préserve dans nos eaux de la prédation", explique l’homme qui a consacré sa vie aux océans. "Elle menace les algues endémiques présentes en Méditerranée occidentale, les prairies de Posidonie et pourrait avoir un impact sur certaines populations de poissons et à termes sur la pêche locale".
Charles-François Boudouresque rappelle que la mer Méditerranée est la région du monde qui héberge le plus grand nombre d’espèces introduites : "Le canal de Suez permet l’entrée d’espèces provenant de la mer Rouge et de l’océan Indien. Le trafic maritime, la culture de coquillages provenant notamment du Japon et de Corée mais aussi l'aquariophilie constituent aussi des vecteurs importants d’introduction. Pour éviter que ces algues ou poissons tropicaux arrivent, il faut une législation européenne solide, exiger des États qu’ils mettent en place de véritables règles", précise le scientifique. "La France n’est pas un bon élève dans ce domaine", conclut-il.
Des tapis d’algues rouge en Méditerranée
Au large de Port-Cros, l’algue rouge a été découverte entre trois et huit mètres de profondeur. Claude Lefebvre, garde moniteur au Parc national de Port-Cros raconte : "Nous faisions une plongée d’observation au sud de l’île avec une scientifique du MIO et soudain elle a été intriguée par cette algue, ancrée sur des rochers. La zone était assez dense, environ 200 mètres carrés".
Immédiatement des prélèvements ont été réalisés et analysés à l’institut méditerranéen d’océanographie à Marseille. Le verdict est vite tombé. À Port-Cros où Ajaccio quelques jours plus tard, les échantillons prélevés ont confirmé qu’il s’agissait bien de Lophocladia lallemandii. Maintenant, "nous devons savoir si l’algue n’est pas présente ailleurs", confie Claude Lefebvre.
Une espèce arrivée avec l'aide des paquebots
A l’instar des scientifiques, cet agent expérimenté du parc national de Port-Cros imagine que l’espèce a pu être introduite par des géants des mers, "pour stabiliser leur bateau, les paquebots et transporteurs de marchandises utilisent des ballasts. Selon où ils naviguent, en mer Rouge, dans l’océan Indien, en mer Méditerranée, les bateaux remplissent ces ballasts avec l’eau des océans et, au gré de leur parcours, ils relâchent ces eaux".
De l’aveu même des scientifiques, l’algue rouge est désormais "là pour toujours" ! Impossible d’éradiquer Lophocladia lallemandii car l’espèce se reproduit sexuellement, à l’inverse de la Caulerpa taxifolia qui avait essaimé en Méditerranée dans les années 2000, avant d’être contenue.