Tous les jours dans Historiquement vôtre, David Castello-Lopes revient sur les origines d'un objet ou d'un concept. Ce mercredi, il s'intéresse à celles du karaoké, selon lui l'invention d'une "sorte de Satan populiste" née en 1971 mais qui a fait des adeptes partout sur la planète, au point qu'il en existe un championnat du monde.
"Est-ce qu’il y a des choses que vous n’aimez pas, alors que tout le monde les aime ? Moi, c’est le karaoké. Je ne comprends pas : pour moi, c’est vraiment l’invention d’une sorte de Satan populiste, parce que le principe du karaoké c’est quand même de dire 'tu ne sais pas chanter ? Pas grave, toi aussi tu as le droit de chanter. Prends ce micro, hurle dedans, et on fera tous semblant de t’aimer autant que si tu avais du talent'. Ce qui fait croire aux gens qui n'ont pas de talent que ce n’est pas grave de ne pas en avoir. Comme à la maternelle.
Tout le monde a un prix, personne ne doit être vexé. Et moi je suis obligé d’avoir mes oreilles cassées, et si je dis que je n'aime pas on me dit 'wooo t’aimes pas faire la fête, eh papy'. Et ça m'énerve... Mais bon, ce n'est pas parce qu’on déteste un truc que ce n'est pas intéressant de savoir d’où ça vient. Ce qui m'a emmené à Osaka, au Japon.
Premier karaoké à Kobe au Japon
Osaka, 19 millions d’habitants, soit presque deux fois la population du Portugal, dans une seule ville. J'y suis allé pour voir un vieux monsieur qui m’a reçu en pantoufles et chaussettes et qui s’appelle Daisuke Inoue. C'est lui, l’inventeur du karaoké. Il est né en 1940 à Kobe, l’endroit où on fait de la viande très chère, et il a commencé une carrière de musicien comme chanteur puis pianiste.
Régulièrement, il accompagnait un ami à lui au piano, mais n'était pas non plus tout le temps disponible. L'ami en question a donc fini par lui dire : 'écoute, tu ne veux pas t’enregistrer, comme ça tu me donnes la bande, je chante dessus ?' Et c’est exactement ce que Daisuke a fait. Mais dans un second temps, ça lui a donné une autre idée : celle de faire tout simplement une machine dans laquelle on puisse mettre des pièces, passer une bande magnétique avec de la musique et permettre à n’importe qui de chanter par-dessus.
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Daisuke a mis au point cette machine, qui a été installée dans un bar de Kobe en 1971. Voilà ce qui est considéré comme la première occurrence du karaoké moderne dans le monde. J'ai eu cette boîte entre les mains : elle fait à peu près la taille de deux tiers de mini bar d’hôtel, rouge et blanche, en bois. On met une pièce, on lance la machine et on suit les paroles sur un carnet - il n'y avait pas encore les paroles qui défilent sur un écran.
Un championnat mondial chaque année
Malheureusement pour lui, Daisuke n’a pas déposé de brevet pour son invention donc il n'a pas gagné beaucoup d’argent, mais il a quand même reçu un prix d’inventeur prestigieux. Et depuis, le karaoké est devenu l'une des principales façons de s’amuser au Japon.
Il y a même un championnat du monde de karaoké chaque année dans un pays différent. J'y suis allé, en Finlande, pendant trois jours. Chaque pays avait envoyé ses meilleurs chanteurs de karaoké nationaux. J'ai enregistré la candidate américaine, c'était niveau finale de The Voice, alors je me suis dit que si le karaoké c'était ça, ça allait. Mais le truc, c’est que le karaoké, ce n'est pas ça : dans l’ADN du karaoké, il y a précisément le fait que chacun a le droit inaliénable d’être mauvais... et ça je ne suis pas prêt à pouvoir le supporter."