C'est un moment attendu de très longue date par des centaines de victimes : le procès des attentats du 13-Novembre s'ouvre mercredi à la Cour d'assises spécialement composée de Paris, dans une salle construite pour l'occasion au sein du palais de justice historique de la capitale. Vingt accusés vont être jugés et quatorze d'entre eux seront présents, dont Salah Abdeslam, seul membre vivant des commandos. Tous devront répondre de leur rôle dans la préparation de ces attentats. Me Xavier Nogueras défend l'un d'eux. Si l'avocat a déjà défendu de nombreuses personnes dans des procès pour terrorisme, il confie à Europe 1 la spécificité d'un tel moment judiciaire.
"Des êtres humains avant d'être des avocats"
"Vous avez beau avoir l'expérience des procès dans le terrorisme, l'expérience de la matière, l'expérience de l'association de malfaiteurs terroristes, vous n'êtes pas préparé à ce volet émotionnel", explique d'emblée Me Xavier Nogueras. "Surtout, il y a 1.800 victimes (parties civiles, ndlr), c'est-à-dire que nous sommes des êtres humains avant d'être des avocats. On va écouter ces récits qui sont des récits bouleversants", anticipe-t-il avant le procès.
Au moment de l'ouverture de ce procès, qui doit durer jusqu'à mai 2022, Me Xavier Nogueras aura déjà longuement étudié les pièces de ce dossier tentaculaire. "Souvent, je me suis dit 'arrête, stop'. L'émotion prend le dessus. Quand vous lisez un dossier, forcément, au bout d'un moment donné, vous tombez sur des photos qui sont abominables" des drames survenus cette nuit-là à Paris et Saint-Denis.
Pour lui, "plus de défenseur, plus de procès"
C'est là, pourtant, que l'avocat se révèle et voit les choses différemment, confie le conseil : "Vous êtes repris, après, par une espèce de conviction que vous avez chevillée au corps. En réalité, vous avez une véritable fonction. En étant dans ces procédures-là, j'ai toujours considéré que j'étais un acteur de l'anti-terrorisme, dans le sens où pour lutter efficacement contre le terrorisme, il faut que nos fondements ne tremblent pas. Pour qu'il ne tremblent pas, il faut que chacun ait sa fonction et ma fonction, c'est de défendre. Et s'il n'y a plus de défenseur, il y a plus de procès."
D'où l'intérêt, aux yeux de Me Xavier Nogueras, "d'expliquer ce qu'est le rôle de l'avocat, ce qu'est un procès de cette nature, pour comprendre comment fonctionne notre système judiciaire", énumère-t-il. Et de dérouler la méthode à appliquer pour ce procès-fleuve. "Il y a neuf mois pour décider si oui ou non, ils ont participé à une infraction en lien avec une activité terroriste. On va analyser les charges pour savoir si elles peuvent se transformer en preuves. Ça veut dire analyser des procès-verbaux, reprendre le travail de la police, interroger les enquêteurs, confronter les individus les uns aux autres, voir si ces éléments tiennent ou ne tiennent pas, analyser la personnalité de l'individu, essayer de comprendre son environnement familial. Tout ça, c'est énorme."
Un objectif, "comprendre notre démocratie"
Lors de ce procès, Me Xavier Nogueras aura pour objectif de "faire parler la personne que vous avez derrière vous pour qu'elle puisse elle-même apporter des réponses", résume-t-il. Certes, "à l'approche de ce procès, étant donné l'horreur absolue de ces assassinats pour ces familles, je peux comprendre que l'émotion prenne le dessus et qu'on ait des réactions un peu hâtives à l'endroit des avocats et de leur métier", confie la défense. "Mais c'est une opportunité absolue pour pouvoir comprendre notre démocratie, notre système et notre République. Et il faut s'intéresser à cette procédure."