Un véritable phénomène de société. Des jeunes filles le plus souvent, mineures, qui dès 15 ans se prostituent, pour des proxénètes hommes mais aussi femmes, souvent mineurs eux aussi. Les adolescentes sont recrutées sur les réseaux sociaux, ou par des connaissances. Les jeunes proxénètes s’occupent de tout pour elles : logement, transport, contre une partie de leurs gains, de quelques centaines d’euros.
"C’est une sorte de matérialisme, c’est une génération qui veut tout de suite acheter des Louboutin, un sac Chanel, qui exhibe des liasses de billets sur les réseaux sociaux, d’ailleurs ce qui est notable c’est que lorsqu’on parle avec elles et qu’on leur dit qu’elles sont prostituées, elles disent 'Non, non, non ! Moi je ne suis pas une prostituée, je suis une escorte', pour elles il y a une forme de noblesse dans la prostitution", décrypte au micro d'Europe 1 Christophe Molmy, chef de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) de la police judiciaire parisienne
Face à l’explosion du phénomène, le commissaire a créé un groupe de sept enquêteurs spécialisés en septembre dernier. La commandante de police Karine en est la cheffe, elle qui travaille à la BPM depuis 18 ans a appris à appréhender les victimes : "Certaines vont un peu tomber là-dedans par une forme de curiosité, explique-t-elle. Ce n’est pas une matière qui est facile car on a parfois des victimes qui sont compliquées à appréhender parce qu’elles ne s’estiment pas forcément victimes. Quelque part, ce sont des victimes qui ont besoin justement d’enquêteurs qui ont une spécificité sur la connaissance du milieu, sur leur profil", dit-elle au micro d’Europe 1.
Des proxénètes issus du milieu du trafic de stupéfiants
Ces jeunes filles sont souvent des fugueuses, "perdues, qui vont faire la mauvaise rencontre au mauvais moment", explique Karine. "Elles sont prises en charge par des proxénètes qui eux viennent régulièrement du milieu du trafic de stupéfiants". Et elle a également appris à appréhender le profil spécifique de ces proxénètes. "Il y en a beaucoup qui font ça en parallèle de petits trafics de stupéfiants. C’est beaucoup plus facile que de faire un braquage, et c’est beaucoup moins risqué", analyse la commandante.
"Ce sont des affaires où il faut justement apprendre à connaître un peu la personnalité de ces jeunes pour pouvoir ensuite arriver en audition et réussir à obtenir des informations. Parce que ce ne sont pas forcément des jeunes qui vont dénoncer facilement des faits de proxénétismes", poursuit l'enquêtrice, qui précise que la prestation sexuelle rapporte environ 100€ la demi-heure, 200€ l’heure.
L’hyperspécialisation, "gage d’efficacité"
Ces réseaux ne sont pas ultra organisés, l’argent gagné n’est par exemple pas toujours réinvesti, il est souvent dépensé instantanément, alors la connaissance du milieu est indispensable pour espérer interpeller les auteurs, explique également Christophe Molmy. "Les enquêteurs ont plus de réflexe, plus d’expérience, ça déroule plus vite, on peut ainsi créer une sorte de base de documentaire", poursuit-il, avant de préciser que "l’hyperspécialisation dans un domaine est un gage d’efficacité".
Effectivement, en sept mois d’existence, le groupe de lutte contre le proxénétisme des mineurs a déjà réalisé des interpellations dans au moins six gros dossiers. Christophe Molmy voudrait aller encore plus loin au sein de la Brigade de Protection des Mineurs : "J’aimerais créer d’autres spécialisations, comme les bébés secoués, les agressions sérielles, ou encore les infanticides, pour avoir un meilleur traitement de ces affaires." Aujourd’hui d’autres groupes existent au sein de la Brigade, spécialisés en délinquance sur internet, dans la traite des enfants, et dans les flagrants délits.