"L'an dernier, on était à la limite du point de rupture. Cette année, dans certaines académies, on l'a franchi !", assure Florence Delanoy, chargée de communication au SNPDEN, le syndicat des chefs d'établissement du secondaire. En cause : la difficulté rencontrée dans certaines académies pour recruter des professeurs d'espagnol. Alors que la ministre de l'Education annonce mardi des mesures pour résoudre le casse-tête des professeurs non remplacés, Europe 1 s'intéresse à cette matière particulièrement en tension.
La réforme du collège, entrée en vigueur cette année, prévoit l'enseignement d'une deuxième langue vivante (LV2) dès la 5e. Et l'espagnol est la principale LV2 choisie par les élèves français : 47% des élèves du secondaire l'ont choisie en 2015, contre 15% pour l'allemand. Or, l'espagnol était déjà l'une des matières les plus en manque d'enseignants, avec encore 14% de postes non pourvus au dernier concours. Résultat : le recrutement de professeurs relève du parcours du combattant.
Versailles s'adresse à l'Uruguay. L'académie qui souffre du plus grand manque de professeurs d'espagnol est, sans conteste, celle de Versailles. Pas moins de 40 enseignants manquaient à l'appel le jour de la rentrée, dont dix à temps plein. Le rectorat, après avoir contacté Pôle emploi et passé une annonce sur le Bon coin pour trouver des professeurs vacataires, s'est finalement adressé à… l'Uruguay ! "L'académie a demandé à l'ambassade de France en Uruguay de relayer son annonce de recrutement" dans le pays, nous apprend France Bleue.
Selon Le Figaro, l'académie s'est également adressée à "d'autres pays hispanophone". Ce n'est pas la première fois qu'une académie se tourne vers l'étranger pour recruter. Mais jamais la pénurie n'avait atteint une telle ampleur.
Plus de "réservoir d'enseignants". L'académie de Versailles n'est pas un cas complètement isolé. À Nantes, par exemple, l'académie souffrait d'un déficit de 20 enseignants à la rentrée. "Les chefs d'établissement sont parfois amenés à chercher des personnes originaires d'Espagne ou d'Amérique du sud qui habitent en France, via Pôle emploi ou le Bon coin par exemple. Mais encore aujourd'hui, tous les postes ne sont pas pourvus", témoigne par exemple Catherine Gay Boisson, secrétaire académique du SNPDEN à Nantes, contactée par Europe 1. "Ces personnes sont recrutées en vacation. Elles n'ont pas passé les concours, et elles sont formées sur le tas", poursuit-elle. En Mayenne, également, on estime à 110 heures hebdomadaires le nombre d'heures d'espagnol prévues qui n'ont pas pu être données à la rentrée.
" La réforme du collège a été mal anticipée "
"A Lille aussi, il y avait 15 postes non pourvus que l'on a dû compenser par un recrutement massif de professeurs vacataires, qui n'ont pas toujours la meilleure formation. Aujourd'hui, nous n'avons plus de réservoir si des enseignants tombent malades. La réforme du collège a été mal anticipée", déplore Florence Delanoy, chargée de communication du SNPDEN et directrice d'un établissement du Nord. Le syndicat demande ainsi à ce que les concours de l'enseignement soient de nouveau accessibles à partir d'une licence, et non plus d'un Master, au moins pour les filières en tension. "La plupart des étudiants qui arrivent jusqu'au Master se détournent de l'enseignement, car ils se voient proposer de meilleures carrières", analyse Florence Delanoy.
Pas de "pénurie" au niveau national. Si quelques académies connaissent de grandes difficultés de recrutement, d'autres ont toutefois pu mettre en œuvre les cours de LV2 dès la 5e sans problème. "Il n'y a rien à signaler de ce côté-là", confirme, par exemple, Philippe Vincent, du SNPDEN Marseille. Même son de cloche à Lyon, où c'est plutôt des professeurs de physique-chimie que l'on a du mal à recruter. Ni le SNPDEN, ni le Snes, principal syndicat enseignant, n'ont eu vent d'une autre académie que Versailles qui a dû faire appel à un pays étranger.
On ne peut pas parler de "pénurie" au niveau national assure également le ministère de l'Education nationale, contacté par Europe 1. Et ce dernier de conclure : "Vous trouverez toujours des exemples où cela marche moins bien. Mais il y a un suivi attentionné au niveau de chaque rectorat. Et au niveau national, nous tenons notre engagement qui est celui d'élever le niveau de langue des élèves".