Face aux blocages, la fac de Nanterre avait opté pour la délocalisation : vendredi, les examens du deuxième semestre de l'université, haut lieu de la contestation étudiante depuis plus de trois semaines, devaient se dérouler à la maison des examens d'Arcueil, dans le Val-de-Marne. Mais la majorité des étudiants qui s'y sont rendus n'ont pas pu pénétrer dans les locaux, bloqués par des manifestants venus en nombre, encerclés par les forces de l'ordre. Les tensions ont finalement poussé la fac à annoncer le "report" des partiels, provoquant l'euphorie des bloqueurs… mais l'angoisse chez certains étudiants, inquiets à l'idée de passer l'été à attendre leurs examens, voire de perdre une année. Europe 1 fait le point sur la situation.
Quelles sont les facs où les examens sont menacés ?
Difficile à dire. Au plus fort de la contestation contre la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE), accusée d'instaurer un système de "sélection", quatre universités ont été bloquées et une dizaine de sites perturbés. Mais les forces de l'ordre sont intervenues pour lever les blocages à Tolbiac, Grenoble, Montpellier ou Toulouse. Selon le ministère, deux universités restaient bloquées vendredi (Rennes-2 et Nanterre) et cinq perturbées (Limoges, Nantes, Marseille, Sorbonne Université, Lyon et Paris-8).
Comme le montre le blocage à Arcueil, organisé sur le lieu d'un examen "délocalisé" et non sur un campus, des manifestants peuvent tenter d'empêcher la tenue de partiels où qu'ils se situent. À Rennes-2, le problème ne s'est pas encore posé : comme l'indique France 3, la direction a choisi de reporter les examens au retour des vacances de printemps, à partir du jeudi 16 mai. Tout en constatant que le dialogue était "clairement impossible", le président de l'université Olivier David a affirmé que la fac mettrait "tout en oeuvre pour garantir la tenue des examens dans le calendrier annoncé."
Point d'interrogation également à Marseille et à Nantes, où les examens, dont certains seront délocalisés, doivent se tenir à partir du 14 mai. À Grenoble, des bloqueurs ont empêché quelque 400 étudiants de passer un examen mercredi, en occupant les locaux où ils devaient avoir lieu. Aucune date de remplacement n'a pour l'instant été fixée.
Quelles alternatives sont proposées par les universités ?
À l'université Paul-Valéry de Montpellier, l'une des premières facs bloquées, dès le mois de février, la direction a pris une décision radicale : la majorité des examens sont passés en mode "distanciel", autrement dit via internet. Le dispositif concerne 15.000 étudiants passants 800 épreuves différentes… et pose de nombreuses questions, notamment celle des mesures pour lutter contre la triche. Mais "l'important c'est que les partiels se tiennent", a assuré le ministère de l'Enseignement supérieur à Marianne dès la mi-avril. "A partir de ce mot d'ordre, les établissements sont libres de prendre des initiatives et elles seront soutenues". Peu de présidents d'universités ont pour l'instant choisi d'y avoir recours, mais plusieurs options sont donc sur la table, outre la dématérialisation : le report des examens, des partiels ne portant que sur une partie du programme, ou encore des "devoirs maison" en guise de validation des acquis.
Après les blocages de vendredi matin à Arcueil, le président de l'université de Nanterre Jean-François Balaudé a esquissé les contours d'un "nouveau scénario" pour les étudiants, avec des formules alternatives "à distance, en temps limité, en ligne, sécurisés". Et de marteler : "Examen il y aura, nos étudiants y tiennent, nous le leur devons et nous le ferons." En fin de journée, le responsable a confirmé à Europe 1 que tous les examens de la session de juin seraient organisés en ligne ou via des devoirs maison.
Le gouvernement peut-il céder sous la pression ?
"J'ai raté mon premier semestre, donc je comptais sur le deuxième pour compenser", "j'ai peur que les rattrapages soient délocalisés en juillet, alors que je suis censé travailler et après je pars en vacances", "c'est du stress depuis beaucoup de temps"... Devant la Maison des examens, vendredi, de nombreux étudiants ne participant pas au mouvement s'interrogeaient sur les conséquences du blocage sur la suite de leur cursus.
Mais selon Robi Morder, président du Groupe d'études et de recherches sur les mouvements étudiants (Germe), interrogé par Europe 1, "ce chantage aux examens n'est absolument pas nouveau". "On a déjà vu ça au moment de Mai-1968, et surtout pendant la grande grève de 1976", retrace-t-il. À l'époque de ces grands mouvements étudiants, "la menace sur les examens n'a jamais été suivie d'effets du point de vue des revendications", affirme le spécialiste.
Les années de fac seront-elles validées plus facilement ?
Pour les étudiants, "cela occasionne en effet des reports, qui influent sur les conditions de révisions, voire des modes d'évaluation différents au cas par cas", reconnaît le spécialiste. "Mais jamais d'année blanche", c'est-à-dire "perdue" par l'ensemble des inscrits dans une filière, ou, au contraire, validée automatiquement pour tous.
Les étudiants impactés par les blocages peuvent-ils au moins espérer une certaine "souplesse" dans leur notation ? "On l'a beaucoup dit en 1968, avec le fameux 'bac 68', qui aurait été 'donné' aux lycéens en raison du contexte social", analyse Robi Morder. "Il est vrai que le taux de bacheliers a augmenté cette année là (de plus de 30%, après des épreuves passées seulement à l'oral ndlr). Mais seuls 81% des inscrits ont été reçus. On ne peut pas dire qu'on l'a donné à tout le monde."