Le Sénat, à majorité de droite, vote solennellement mardi la révision constitutionnelle annoncée par François Hollande après les attentats du 13 novembre mais dans une version qui, de fait, scelle quasiment la fin de la déchéance de nationalité.
Des positions irréconciliables. "J'attendrai que le Sénat se prononce sur l'ensemble du texte pour savoir les conclusions que je dois en tirer", avait prévenu jeudi le chef de l'État en marge du sommet européen de Bruxelles, après l'examen du texte à la Haute Assemblée. Pour aller au Congrès, le texte doit avoir été voté dans les mêmes termes par les deux chambres. Or les positions des députés et des sénateurs sur la déchéance de nationalité semblent inconciliables.
Abandon total ou partiel ? Deux scénarios semblent encore possibles, si l'on en croit des sources gouvernementales : poursuivre le projet de réforme avec le seul article 1 sur la constitutionnalisation de l'état d'urgence, plus consensuel que la déchéance, en lui adjoignant éventuellement la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ; ou carrément abandonner l'ensemble du projet. Plusieurs voix à gauche ainsi qu'à l'UDI plaident pour la première option.
Pour les binationaux seulement. Manuel Valls de son côté a annoncé qu'après le vote du Sénat, il y aurait une rencontre entre le président de la République, les présidents des deux chambres, et lui-même. Le président du Sénat Gérard Larcher (Les Républicains, LR) se dit prêt à "engager le dialogue avec l'Assemblée et le gouvernement". Mais l'ensemble de la droite sénatoriale devrait voter pour la version du Sénat, la gauche s'y opposant, sans surprise. Le Sénat a réservé la déchéance de nationalité aux seuls binationaux, pour éviter des apatrides, là où l'Assemblée l'avait ouverte théoriquement à tous les Français afin de ne pas créer de "discrimination". Les sénateurs ont aussi prévu la déchéance que pour les crimes, et non les délits. Et pour eux, cette mesure doit être du ressort de l'exécutif et non du juge.
Toutefois, l'arrestation de Salah Abdeslam, suspect clé des attentats du 13 novembre, de nationalité française, replace au premier plan la question de la déchéance.