Des douleurs lancinantes d'un côté du crâne, la tête comme dans un étau, une hypersensibilité à la lumière, et même des vomissements… 20% de la population souffrirait de migraine, un mal souvent difficile à anticiper, et encore plus à soigner. Sophie souffre de migraines depuis l'âge de 17 ans. Elles se déclenchent sans cause particulière et la douleur est si incapacitante qu'elle régit désormais une grande partie du quotidien de cette mère de famille. Au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, elle raconte comment cette maladie l'a fait tomber à plusieurs reprises dans l'addiction aux médicaments.
"Au départ je mettais ça sur le compte d'un mal de tête banal, mais qui ne passait pas avec les traitements habituels contre le mal de tête. Et puis, très rapidement, ça m'a handicapée, avec des nausées. Je ne supportais pas la lumière du jour, les bruits. J'avais une fatigue très importante.
Mon papa était migraineux, mais il n'avait pas le même type de migraine. Deux ans après [mes premières crises], j'ai commencé des études médicales et mon entourage scolaire a très vite fait le lien et m'a orienté vers des spécialistes.
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Si Sophie a été prise en charge dans un centre anti-douleur, ses migraines n'ont pas été sans conséquence sur sa vie de tous les jours.
[Les premières conclusions du centre anti-douleur] n'étaient pas très reluisantes. Il n'y avait rien qui déclenchait les migraines plus qu'autre chose. Il n'y avait aucune logique. Les gens disent : 'C'est l'alcool, c’est le chocolat, c'est le gras, etc.' Pour ma part, […] tout était susceptible de déclencher une crise.
[…]
Je me suis vraiment aperçue des conséquences sur ma vie personnelle quand j'ai eu, pendant un an, un traitement de fond qui avait quasiment supprimé mes migraines. Je n'entendais plus dans mon entourage : 'On ne peut pas faire ça, maman a mal à la tête". On reprenait des activités, ma vie ne tournait pas autour de ma migraine. […] C'est terrible, mais on s'habitue à vivre avec cette maladie, enfin on fait avec…
J'ai manqué peu de journées de travail parce que j'encaisse et parfois je n'ai pas vraiment eu le choix car j'étais sage-femme, à mon compte, et j'avais des obligations professionnelles. Maintenant, j'ai complètement changé d'orientation et je peux adapter mon activité à mon état : je suis agent immobilier. Si vraiment je ne suis pas bien, je reste chez moi. Mais bon, si je ne travaille pas, c'est compliqué financièrement. […]
Même quand on est au travail, on n'est pas comme d'habitude, on est énervé, fatigué. Tout prend des proportions… tout est décuplé.
Sophie a multiplié les traitements pour tenter de stopper les maux de tête, jusqu'à tomber dans l'abus médicamenteux a deux reprises.
On trouve un traitement de la crise qui fonctionne, donc on le prend et on le prend dès le début des symptômes, parce que l'on ne veut pas tomber dans la crise intense qui vous oblige à vous aliter et à rester 24 heures sans aucun contact avec l'extérieur. Le problème c'est qu'on en prend, on en prend et puis, un jour, le médecin ne veut plus donner d'ordonnance. Il vous explique que cette prise médicamenteuse auto-entretient les crises, et que le seul moyen et d'aller faire une cure de sevrage et de supprimer le traitement. C'est de l'addiction.
Aujourd'hui, Sophie souffre toujours autant, sans qu'aucun traitement de fond n'ait pu lui venir en aide durablement. Une fois de plus, cette mère de famille se sent glisser dans l'addiction au "traitement de crise", des cachets à prendre lorsque la migraine s'installe.
Je fais trois à cinq crises par semaine. Là, je suis à la limite de l'abus médicamenteux. La cure se profile à l'horizon... Sur une échelle de douleur de zéro à dix, six est la fréquence la plus récurrente. Une fois par mois, j'ai une crise à neuf, voire à dix sur dix en intensité.
Les traitements de fond n'ont eu aucun effet, ou alors avec des effets secondaires majeurs qui n'étaient pas compatibles avec ma vie professionnelle. Du coup, les traitements de crise, on les prend dès que l'on a mal. Si j'attends, je tombe dans une crise majeure : je m'alite et je ne peux plus faire quoi que ce soit. Dès que j'ai mal, je prends le traitement, et je sais que je dépasse les limites. J'ai une consultation en juin au centre anti-douleur… je me doute de leur réponse."
Migraine, de quoi parle-t-on ?
La migraine est une maladie neurologique qui ne doit pas être confondue avec le simple mal de tête. Dans la mesure où aucun examen clinique ne permet de la déceler, c'est la description des symptômes ressentis par le patient qui permet de poser un diagnostic. "Pour caractériser une migraine, il faut que le patient ait déjà eu plusieurs crises, au moins cinq, que chaque crise dure entre quatre heures et trois jours et que le céphalée, c'est-à-dire le mal de tête, soit suffisamment important pour gêner les activité quotidiennes ou les empêcher complètement, la personne étant obligée de s'aliter", explique au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, Anne Ducros, neurologue qui gère l'activité médicale du Centre d'urgences céphalées à l'hôpital Lariboisière, à Paris.
"Les douleurs sont volontiers unilatérales et pulsatiles, comme un cœur qui bat", poursuit cette spécialiste. "Elles augmentent au mouvement et sont associées soit à une gêne au bruit et à la lumière, soit à des troubles digestifs qui sont parfois très importants, avec des nausées et des vomissements. Certains patients ont tous les symptômes à la fois", détaille-t-elle.
Certaines migraines sont dites "avec aura". Elles concernent environ un tiers des migraineux, et se caractérisent par des manifestations hallucinatoires ou neuropathiques. "C'est un phénomène neurologique transitoire qui comporte des troubles visuels. La personne va voir des sortes de zigzags brillants, un peu scintillants, apparaître dans son champ de vision et l'envahir progressivement", relève Anne Ducros. "Le patient peut aussi ressentir des fourmillements d'une main, qui remontent ensuite du bras jusqu'à la figure. Il peut aussi avoir des difficultés à parler. Tous ces troubles peuvent survenir progressivement et successivement, et durer une demi-heure ou une heure". Les personnes souffrant de migraines avec aura, en particulier les femmes, présentent également une légère augmentation du risque de faire un AVC dans leur vie.
>> Retrouvez l'intégralité du témoignage de Sophie au micro d'Olivier Delacroix.