Deux anciens "grands flics" entendus par la police des polices. L’ancien patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI), Bernard Squarcini, et l’ancien directeur de la police judiciaire parisienne, Christian Flaesch, ont été interpellés lundi par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Le premier est toujours en garde à vue, tandis que le second a été libéré mardi soir. Europe1.fr fait le point sur cette affaire.
- Que leur reproche-t-on ?
Ces gardes à vue sont intervenues dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Paris pour "trafic d’influence", "violation du secret professionnel" et "compromission du secret défense". Elle fait suite à la découverte de documents saisis lors de perquisitions menées en avril au domicile et au bureau de Bernard Squarcini. A l’époque, les policiers de l’OCCLIF, l'office de lutte contre la corruption, enquêtent notamment sur le rôle qu'il aurait pu avoir dans un éventuel financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Lors de la perquisition, ils découvrent des documents qui n'auraient pas dû se trouver au domicile de l'ex-n°1 du renseignement intérieur: des rapports classés secret défense sur des mouvements terroristes et des pièces de procédures judiciaires.
Ces documents posent la question des liens qu’entretient toujours Bernard Squarcini avec des policiers en poste et la manière dont il en use pour servir les intérêts des entreprises privées pour lesquelles il travaille. Selon un rapport que s’est procuré Le Monde, il aurait notamment cherché à obtenir des informations confidentielles pour le groupe LVMH, l’un de ses principaux clients, sur l’affaire Bettencourt et sur une enquête judiciaire opposant LVMH et Hermès. Cette dernière reproche au groupe de Bernard Arnault les modalités d’entrée dans son capital.
Christian Flaesch, dont le domicile a été perquisitionné, serait également visé pour des faits de "violation de secrets". Il est soupçonné d’avoir fourni des informations à Bernard Squarcini lorsqu’il était à la tête de la PJ, notamment sur l’affaire LVMH contre Hermès. Selon Le Monde, Flaesch, qui menait à l'époque l’enquête sous l’autorité du parquet de Paris, a informé son interlocuteur que l’enquête préliminaire avait été renvoyée au parquet et qu’une information judiciaire allait être ouverte.
- Qui sont-ils ?
Bernard Squarcini et Christian Flaesch sont deux éminentes figures de la police. Le premier a été le patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI) lors de sa création en 2008. Surnommé "le Squale" ou "Squarc'" dans la police, Bernard Squarcini, 60 ans, avait auparavant été nommé patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST), après avoir été numéro 2 des Renseignements généraux (RG). Il était considéré comme un spécialiste incontesté du terrorisme, qu’il soit basque, islamiste ou corse. Ce proche de Sarkozy a été écarté de ses fonctions en mai 2012, après l'arrivée de la gauche au pouvoir, et a créé sa propre entreprise d’intelligence économique et de conseils en sécurité, Kyrnos. C'est dans ce cadre qu'il conseille de grandes entreprises, à l'instar de LVMH.
Christian Flaesch a été le patron du 36, quai des Orfèvres jusqu’à fin décembre 2013. Il a été contraint de quitter ses fonctions à la tête de la PJ parisienne après une mise en garde du parquet général de la cour d’appel de Paris à propos d’un appel passé à son ancien ministre de tutelle, Brice Hortefeux. Au téléphone, il lui aurait indiqué comment préparer son audition dans un dossier mettant également en cause Nicolas Sarkozy. Christian Flaesch est aujourd’hui directeur général sûreté-sécurité du groupe Accor.
- D’autres personnes sont-elles impliquées ?
Un troisième proche de Nicolas Sarkozy, Michel Gaudin, a été entendu en audition libre par l’IGPN dans cette même enquête et une perquisition a été menée à son domicile. Cet ancien préfet de police de Paris est devenu le directeur de cabinet l’ancien Président après son départ de l’Elysée. Selon le rapport que s’est procuré Le Monde, il aurait demandé à Bernard Squarcini de récupérer des notes de la Direction centrale de la police judiciaire sur l’affaire Cahuzac peu après les aveux de l’ancien ministre du Budget. Contacté par le quotidien du soir, Michel Gaudin nie avoir demandé cette note mais confirme lui avoir demandé "des renseignements dont [il] avait besoin sur l’affaire qui [le] concerne à la suite de la perquisition chez Guéant".
Selon Le Monde, un ancien policier des RG, aujourd’hui à la DGSI, un haut cadre de la sécurité chez LVMH et un ancien magistrat, également chargé de la sécurité du groupe de luxe, sont en garde à vue. Un ancien responsable de la sécurité en Corse, aujourd'hui à l'IGPN, a été entendu lundi en audition libre.