Supprimer le glyphosate aura un coût élevé. C'est la principale conclusion du rapport de la "mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate" menée par des parlementaires, dont l'AFP a obtenu une copie du rapport avant sa présentation prévue mercredi. "Ce rapport parait un plaidoyer pour repousser l'échéance de l'interdiction du glyphosate", regrette Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement, au micro d'Europe 1.
Alors que la France s'est engagée à se passer de cet herbicide controversé le 1er janvier 2021 dans ses principaux usages, et le 1er janvier 2023 pour l'ensemble de ses utilisations, le rapport parlementaire juge "inconscient d'attendre le 31 décembre 2020" pour savoir "quelles situations culturales" devront obligatoirement cesser d'utiliser l'herbicide le 1er janvier 2021 et celles qui pourront bénéficier d'un délai. La mission dirigée par les députés Jean-Luc Fugit (LREM) et Jean-Baptiste Moreau (LREM) demande ainsi que l'Institut national de recherche agricole (INRA) et les instituts techniques agricoles précisent "au plus tard en juin 2020" les situations "qui ne pourront supporter un arrêt du glyphosate le 1er janvier 2021 sans menacer la survie de l'exploitation ni son environnement". Car, souligne le rapport, le calendrier de suppression prévu aura un coût élevé pour les agriculteurs.
D'importants frais de main d'oeuvre supplémentaires
Ces coût supplémentaires concerneraient notamment les frais de main d'oeuvre (12,7 millions d'euros d'heures supplémentaires), la consommation de carburant multipliée par trois ou quatre (87 millions d'euros), et les investissements en matériels nouveaux. Au total, la suppression de cet herbicide bon marché alourdira les charges des exploitations entre 50 et 150 euros l'hectare, selon le rapport. De plus, les techniques alternatives de désherbage (passages supplémentaires de tracteurs et de machines) émettraient aussi 226.000 tonnes de CO2 supplémentaires, selon l'association générale des producteurs de céréales AGPB citée dans le rapport.
"On ne peut pas mettre les gens devant des faux choix"
Des conclusions qui ne convainquent pas Jean-David Abel. "Si vous faites choisir aux Français entre la peste et le choléra en disant, 'c'est le glyphosate qui abîme les sols, la biodiversité, l'eau, la santé', ou alors 'c'est des heures de tracteurs et c'est du CO2', vous faites choisir aux gens entre Charybde et Scylla", explique-t-il. "C'est typiquement ce dans quoi une partie de l'agriculture française est enfermée et dont nous ne voulons plus".
"On ne peut pas mettre les gens devant des faux choix", dit-il encore, ajoutant qu'il faut "accompagner les agriculteurs à se passer de ces herbicides". "Ça prendra du temps que ce soit en 2020, 2021 ou 2022", reconnaît-il, "mais c'est un objectif de santé et d'environnement absolument indispensable". Et de conclure : "Ce rapport nous semble problématique en première analyse, car il parait être un plaidoyer pour repousser l'échéance de l'interdiction du glyphosate".