Peut-on croire les "repentis" du djihad ? C'est la question à laquelle est confrontée la justice française, lundi. Condamné pour association de malfaiteurs en première instance l'an dernier, un trentenaire doit être jugé en appel à Paris. Aucun indice ne témoigne de sa radicalisation... mis à part un voyage effectué en Syrie, à l'automne 2013.
Un chauffeur de bus père de famille. Lorsqu'il est arrêté au printemps 2016, Farid, la trentaine, mène une existence tranquille. Chauffeur de bus, marié et père de famille, cela fait plus de deux ans qu'il a repris le cours de sa vie. Mais grâce à des informations publiées par la presse anglaise, les enquêteurs ont exhumé un élément inquiétant de son passé.
En novembre 2013, le jeune Niçois, mal dans sa peau, s'est en effet laissé embrigader sur internet, au point de partir pour la Syrie. Il n'y reste que trois semaines avant de rentrer en France, dégoûté. Depuis, il assure avoir tourné le dos à la radicalisation.
"Pas de trace de radicalisation". "La seule chose que l'on découvre au moment de son interpellation, ce sont des tracts qui dénoncent les attentats de Charlie Hebdo. Il les distribuait dans le quartier", souligne son avocate, Marie Dosé. "Les conversations téléphoniques ? Nulles. L'exploitation des ordinateurs ? Nulle", énumère-t-elle. "Il n'y a pas de trace de radicalisation dans le cadre de l'enquête préliminaire."
Mais pour l'accusation, le séjour de Farid en Syrie suffit à caractériser l'association de malfaiteurs terroriste. D'autant que le jeune homme, qui avait consulté un imam très radical avant son départ, s’obstine à dire qu'il était motivé par des raisons humanitaires. De quoi alimenter les doutes du parquet quant à sa sincérité, et redouter une récidive.
Une question épineuse. Entre 2012 et fin 2017, plus de 240 Français sont revenus de la zone irako-syrienne selon le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb. Avant Farid, d'autres ont assuré aux juges s'être "repentis" depuis leur voyage. "Je me suis trompé sur toute la ligne, j'espère ne pas le payer toute ma vie", racontait l'un d'entre eux en décembre 2016.
Tenant compte d'une "apparente volonté de réinsertion", le tribunal avait condamné ce Lillois, la vingtaine, à six ans de prison. En droit français, l'association de malfaiteurs terroriste est passible de vingt à trente ans de réclusion.