L'Alliance contre le tabac (ACT) a officiellement déposé une requête devant le Conseil d'État pour dénoncer le manque de contrôle et de sanction de l'État envers les buralistes concernant la vente de tabac aux mineurs. Cette démarche s'appuie sur des constats accablants révélés par une enquête menée par le Comité national contre le tabagisme (CNCT).
Une loi non respectée par deux tiers des buralistes
Selon l'ACT, deux tiers des buralistes continuent de vendre des produits du tabac à des mineurs, en violation directe de la législation en vigueur. L'association souligne que les contrevenants transgressent la loi "impunément". Le communiqué pointe du doigt l'inaction des autorités malgré l'interdiction formelle de vente de tabac aux moins de 18 ans.
L'ACT critique vivement l'attitude de l'État, et en particulier celle du ministère des Comptes publics, qu'elle accuse de privilégier les buralistes plutôt que de les sanctionner. En effet, l'association note que des aides publiques massives, à hauteur de 4,4 milliards d’euros pour la période 2004-2027, ont été allouées aux buralistes, renforçant ainsi l’ambiguïté de la position des pouvoirs publics face à cette profession.
Un congrès annuel sous tension
La requête de l'ACT coïncide avec le congrès annuel de la Confédération des buralistes, auquel ont participé le ministre du Budget Laurent Saint-Martin et les représentants du service des Douanes. Lors de ce congrès, le ministre a rappelé que la vente de tabac aux mineurs constitue "une infraction punissable par la loi" et a salué les efforts de la Confédération pour renforcer les contrôles à la vente. Il a toutefois demandé aux buralistes de redoubler de vigilance et à la Douane d'agir avec "fermeté en cas de condamnation".
La défense des buralistes
Philippe Coy, président de la Confédération des buralistes, a réagi en affirmant que la vente interdite aux mineurs est une "priorité pour les membres de son réseau". Il a mis en avant des initiatives telles que le programme "Bob" (buralistes officiellement bienveillants) et l'installation de caméras de contrôle via l'intelligence artificielle, visant à garantir le respect de la loi. Philippe Coy a également critiqué l'ACT, l'accusant de stigmatiser la profession depuis des décennies sans obtenir de résultats tangibles dans la lutte contre la consommation de tabac.
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Une démarche judiciaire motivée par l'inaction
L'ACT, dans sa requête, exige de l'État qu'il prenne des mesures concrètes pour assurer le respect des obligations légales, telles que le renforcement des contrôles des débitants de tabac, notamment via l’utilisation de la méthode dite du "client mystère". Elle préconise également des sanctions plus sévères, pouvant aller jusqu'au retrait de licence pour les contrevenants. De plus, l'ACT réclame que les buralistes sanctionnés affichent ces pénalités sur leurs devantures, afin de dissuader d'autres éventuels manquements.
L'association ACT avait déjà interpellé le gouvernement en août dernier, en lui adressant une mise en demeure pour exiger la mise en œuvre de mesures efficaces contre la vente de tabac aux mineurs. Face à l'absence de réponse de la part des autorités, elle a décidé de saisir le Conseil d'État pour obtenir des réponses. Ce contentieux administratif est le premier du genre en France visant directement les services de l’État sur cette problématique.
L'ACT espère que cette action judiciaire fera évoluer la situation et mettra fin à ce qu'elle décrit comme une "impunité" des buralistes face à la loi.