Les victimes d'attentats terroristes vont-elles voir leur procédure d'indemnisation se compliquer ? C'est ce que craint l'Association nationale des avocats de victimes de dommages corporels (ANADAVI). Elle dénonce un amendement à la loi de programmation et de réforme de la Justice, déposé par le gouvernement vendredi. L'examen du texte doit commencer en commission au Sénat, mercredi.
Les victimes de Nice indemnisées à Paris. Concrètement, l'amendement prévoit de donner "compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris" pour indemniser, au civil, les victimes d'attentats. Jusqu'ici, le préjudice était évalué par le juge pénal, au sein d'une seule et même juridiction. "Pour les attentats de Nice, les victimes ne pourront pas s'adresser à la juridiction qui sera saisie sur le volet pénal à Nice mais devront s'adresser à Paris", résume Me Alice Barrelier, membre de l'ANADAVI, interrogée par Europe 1.
"Les victimes ont besoin d'avoir un juge à proximité. C'est leur juge, c'est le juge qui est le mieux placé géographiquement. Elles ont besoin de pouvoir aller sans difficulté voir le juge d'instruction, consulter le dossier et faire le lien avec leur situation à elle", déplore l'avocate, qui précise que le juge civil "ne les aura jamais entendues puisque la procédure civile est une procédure écrite". "Il leur manquera un élément pour apprécier la réalité du préjudice subi : l'horreur, la vraie imprégnation de l'horreur que toutes ces victimes ont subie", estime l'avocate. "Il va manquer quelque chose pour que la réparation puisse se faire dans les meilleures conditions."
La crainte d'être "submergés de demandes d'indemnisation" ? Pourquoi cet amendement ? "On a l'impression que le gouvernement a peur de ne pas être en mesure de suivre le nombre de demandes d'indemnisation et que ce soit une espèce de fiasco", avance Alice Barrelier. "Comme les craintes que l'on a pu avoir avec les dommages PIP ou le Mediator, qu'ils soient submergés de demandes d'indemnisation."
Un argument balayé par les statistiques, selon l'avocate : "Aujourd'hui, le contentieux attentats, tout type d'attentats confondus, en termes de chiffres, c'est a priori 3%. On est vraiment pas dans un problème de masse, or on a l'impression que c'est ça que le gouvernement craint."