Les syndicats lycéens contre les réformes dans l'Éducation nationale avaient jusqu'à présent peiné à mobiliser. Mais porté par la contestation des "gilets jaunes", le mouvement a semblé prendre de l'ampleur lundi, avec des blocages, parfois marqués par des incidents, dans des dizaines de lycées en France.
Le ministère de l'Éducation a comptabilisé une centaine de lycées perturbés à travers la France, avec des blocages complets ou partiels. Parmi les académies les plus touchées figurent Toulouse (une quarantaine d'établissements perturbés), Versailles et Créteil (une vingtaine dans chacune de ces académies).
Une voiture incendiée à Aubervilliers
Une voiture a été incendiée devant un lycée de Villiers-Saint-Frédéric, dans les Yvelines, et trois lycéens interpellés, selon la gendarmerie. En Seine-et-Marne, des manifestations se sont déroulées autour de cinq lycées et seize personnes ont été interpellées après des incidents (mobilier urbain et voitures de police endommagés), selon la préfecture. Trente-deux personnes ont aussi été interpellées dans le Val-d'Oise où onze lycées ont été touchés, à des degrés divers, par des incidents, a indiqué la préfecture.
Dans l'académie de Créteil, une voiture a été incendiée et un magasin de téléphonie pillé près d'un lycée d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, où des heurts ont impliqué des dizaines de jeunes qui scandaient "Macron démission", selon des sources concordantes. Près de 200 jeunes ont investi la rue, dont une poignée portaient des gilets jaunes, a raconté une source policière. Une voiture et une poubelle ont été incendiées, du mobilier urbain dégradé et un magasin de téléphonie pillé. Sept personnes ont été interpellées.
À Aubervilliers, une voiture et une poubelle ont été incendiées, du mobilier urbain dégradé et un magasin de téléphonie pillé. Photo AFP.
Des face-à-face tendus avec les forces de l'ordre
Des incidents (jets de projectiles sur les forces de l'ordre, incendie de poubelles…) ont aussi éclaté dans plusieurs villes en régions comme à Bordeaux, Toulouse, Pau, Limoges, Dijon, Lyon, ou encore Thionville et Forbach en Moselle. Plusieurs manifestants ont été interpellés.
Dans les rues de Bordeaux, lycéens et CRS se sont violemment affrontés, comme en témoigne cette photo. Photo AFP.
"C'est un moyen de montrer que tout le monde doit se mobiliser". À Nice, la moitié des lycées ont été bloqués en tout début de matinée, selon le rectorat, avant qu'un millier de jeunes, dont certains avec un gilet jaune sur le dos, n'investissent les artères du centre ville. "Parcoursup nous inquiète pour nos études plus tard", a expliqué une lycéenne au micro d'Europe 1. "C'est aussi un soutien aux 'gilets jaunes'", abonde l'un de ses camarades. "C'est un moyen de montrer que tout le monde doit se mobiliser".
À Antibes, les forces de l'ordre ont été caillassées et ont chargé, selon Nice-Matin, alors qu'à Toulon, les forces de l'ordre ont été déployées pour éviter les débordements.
Face à face entre force de l’ordre et lycéens devant le lycée Bonaparte à Toulon #GiletsJaunes83pic.twitter.com/OY2EVLJBJF
— Var-matin (@Var_Matin) 3 décembre 2018
La police de #Guéret est devant le Lycée Favard pour assurer la sécurité des quelque 80 lycéens et BTS qui manifestent. Les voitures sont filtrées, on leur demande de klaxonner avant de repartir. pic.twitter.com/4pdxMWZcV7
— France Bleu Creuse (@FBCreuse) 3 décembre 2018
Des affrontements sur la place du Capitole, à Toulouse. À Dijon, ils étaient près de 1.000 lycéens à manifester lundi matin dans les rues de la ville. Des violences ont éclaté en marge du défilé, les forces de l'ordre répliquant à des jets de pierres par des tirs de grenades lacrymogènes. La police a procédé à "au moins deux interpellations" et est intervenue lors d'une intrusion de manifestants dans un lycée. À Toulouse, où ils étaient 700 à défiler, les affrontements entre lycéens et forces de l'ordre sur la place du Capitole, déjà théâtre de heurts samedi lors de la manifestation des "gilets jaunes", ont fait quelques blessés, a indiqué un internaute sur Twitter.
Tensions et blessés lors d’affrontements entre #lycéens et force de l’ordre #CRS sur la place du Capitole à #Toulouse pour la #Manifestation contre la #ReformeDuBac#Policiers#Arrestations#France#Direct#RevancheLyceenne#Lyceepic.twitter.com/SZKdhu6gbx
— Guillaume Pannetier (@GuillaumePannet) 3 décembre 2018
Trois interpellations à Lyon et dans sa banlieue. Plusieurs établissements de Lyon et de sa banlieue sont aussi touchés par des actions de blocage répondant à l'appel de plusieurs syndicats de lycéens. Les pompiers, qui ont été caillassés par endroits, sont intervenus pour des feux de poubelles et d'une voiture devant des établissements à Bron, Villeurbanne et dans le 8ème arrondissement de Lyon. Les forces de l'ordre ont procédé à trois interpellations et une lycéenne a été blessée, selon la préfecture. À Clermont-Ferrand, la police a effectué trois interpellations en marge d'une manifestation d'environ 400 lycéens qui a donné lieu à des jets de projectiles sur les forces de l'ordre.
#Manifestation sauvage de #lyceens dans le centre de #Lyon actuellement. Environ 250 jeunes font face à la #police sur la place Louis Pradel. #RevancheLyceenne2@lyonmagpic.twitter.com/ba6jFJu8jO
— Julien Damboise (@JDANDOU) 3 décembre 2018
À Orléans, L'entrée du lycée Voltaire a été barricadé tout comme le lycée de l'Estaque, à Marseille.
Blocus au lycée Voltaire à Orléans la Source ce lundi matin. Des lycées ont entrepris de bloquer les portes de l’établissement. pic.twitter.com/srfLrfdP86
— France 3 Centre-Val de Loire (@F3Centre) 3 décembre 2018
Un mouvement aux "multiples revendications"
À Paris, le rectorat relevait une dizaine de tentatives de blocage, la plupart ayant été levés rapidement. Aucun établissement n'est entièrement bloqué et six ou sept avaient un blocage filtrant, a ajouté le rectorat. Il n'y a pas eu d'incident. La présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse s'est dite lundi "inquiète de la contamination" de la mobilisation des lycéens et a assuré que sa région serait "intransigeante" à l'égard des casseurs.
Inquiète face aux tentatives de blocage & de dégradations commises ce matin dans des lycées franciliens. Ces actions violentes sont inacceptables. Je demande que la police soit envoyée pour les sécuriser. La région portera systématiquement plainte contre tous les casseurs.
— Valérie Pécresse (@vpecresse) 3 décembre 2018
Les mots d'ordre des syndicats lycéens (UNL, SGL, Fidl, etc.) qui appellent à ces blocages évoquent les réformes du bac et du lycée, ainsi que la plateforme d'accès aux études supérieures Parcoursup, qu'ils contestent. Les réformes du bac et du lycée, en cours d'installation, vont selon eux renforcer la sélection sociale, tandis que Parcoursup, mise en place il y a un an, a introduit de la sélection à l'entrée à l'université. Autre désaccord avec les annonces du gouvernement, la création du service national universel (SNU), qui sera testé sur quelques centaines de jeunes volontaires dès le mois de juin, avant sa mise en oeuvre à tous les jeunes d'une génération d'ici à 2026. Mais jusqu'à présent, les appels à se mobiliser, l'an dernier contre Parcoursup ou cette année contre les réformes du lycée et le SNU, n'avaient rencontré que peu d'écho.
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"On veut une révolte générale", déclare Nabil Hedar, porte-parole du SGL, un des syndicats lycéens, appelant de ses vœux "un mouvement intergénérationnel, avec les 'gilets jaunes'". Il réclame des "impôts plus justes" et "une dissolution de l'Assemblée nationale", rejoignant ainsi certaines revendications de "gilets jaunes". Louis Boyard, président de l'UNL, autre syndicat lycéen, dit se mobiliser contre les réformes du bac, de la voie professionnelle, Parcoursup et le SNU. Avec pour mot-clé sur les réseaux sociaux #RevancheLycéenne.
Le SGL prend sa responsabilité. Le 6 décembre :3 lycées mobilisés dans les Landes https://t.co/eKc7xIgofL
— Nabil Hedar (@nabil_hedar) 2 décembre 2018
Jean-Michel Blanquer : "S'engouffrer dans la brèche des 'gilets jaunes' pour tout et n'importe quoi"
"Il n'y a pas de raison que la contestation des 'gilets jaunes' ait un impact sur les lycées", dont la réforme a été conçue "en consultation avec de nombreux acteurs et plusieurs milliers de lycéens", a répliqué le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer sur LCI. Le pourcentage de lycées bloqués est "très faible" au regard des 4.000 lycées sur le territoire, et les blocages sont le fait d'"une toute petite minorité", a estimé le ministre. Selon lui, "beaucoup de gens essayent de s'engouffrer dans la brèche de contestation des 'gilets jaunes' pour tout et n'importe quoi".