Totalement inconnu du grand public, son nom s'est retrouvé au cœur d'une affaire embarrassante pour l'Elysée en quelques heures. Alexandre Benalla, chargé de mission et adjoint au chef de cabinet d'Emmanuel Macron, a été reconnu par Le Monde sur une vidéo de violences filmée en marge d'un rassemblement organisé le 1er-Mai à Paris. On l'y voit équipé d'un casque à visière et d'un brassard de police, s'en prendre très violemment à un manifestant déjà neutralisé par les forces de l'ordre, et qui se trouve au sol. Pour ces faits, l'homme a été "mis à pied pendant 15 jours" et "démis de ses fonctions en matière d'organisation de la sécurité des déplacements du président", a commenté jeudi le porte-parole de l'Elysée. Le parquet de Paris a par ailleurs annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire.
Autorisé à assister à la manifestation. Que faisait Alexandre Benalla ce jour-là, aux côtés des forces de l'ordre, place de la Contrescarpe, dans le 5e arrondissement de Paris ? D'après Le Monde, l'homme avait demandé et obtenu auprès de sa hiérarchie l'autorisation d'assister à l'intervention policière, afin de voir comment se déroulait la gestion d'une grande manifestation. Lui-même réserviste de la gendarmerie depuis 2009, il a construit sa carrière dans le domaine de la sécurité, rapidement en lien avec le monde politique.
Alexandre Benalla a grandi dans un quartier populaire d'Evreux, en Normandie, avant de décrocher un master en droit. Selon un parcours retracé par Le Monde, le garde du corps a fait ses armes au Parti socialiste, à partir de 2011. "Il était tout jeune, 20 ans à peine. Il avait fait la sécurité de plusieurs artistes. Il en voulait, il était intelligent et compétent, dans mon souvenir, posé", se souvient auprès du quotidien Eric Plumer, ancien responsable du service d'ordre national du PS. L'homme est d'abord chargé de la protection de Martine Aubry, puis participe à celle de François Hollande lors de la campagne de 2012. Il occupe ensuite brièvement le poste de chauffeur d'Arnaud Montebourg, alors ministre, avant d'être remercié au bout d'une semaine pour avoir provoqué un accident de la route et tenté de prendre la fuite.
Responsable de la sécurité de la campagne de Macron. Le jeune homme se reconvertit alors dans la sécurité privée. Selon La Lettre A, il occupe un poste de conseiller d'une société de sécurité, puis fonde en 2016 la Fédération française de la sécurité privée (FFSP), une "coquille vide inconnue des professionnels du secteur". Créée avec Vincent Crase, l'une de ses "connaissances", également réserviste de la gendarmerie, la structure fait long feu : elle est dissoute dès 2017.
La même année, Alexandre Benalla est nommé responsable de la sécurité d'Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. Des échanges d'emails entre des responsables de la République en marche, publiés par Wikileaks, semblent révéler que l'homme n'est pas connu au sein du mouvement. À partir de là, son nom et son visage apparaissent à plusieurs reprises autour du futur chef de l'État. On l'aperçoit à ses côtés sur des vidéos filmées au Salon de l'Agriculture en février 2017, isolées par Le Figaro. Deux mois plus tard, il imagine un dispositif pour protéger le candidat lors de son meeting de Bercy. "Une trappe avait été sciée. En cas de tir, le pupitre devait basculer et Emmanuel Macron se retrouver dans la partie creuse de la scène, où avaient été placés un kit de secours et un gilet pare-balles", rapporte Midi Libre, citant le coordinateur des opérations de campagne du parti.
Un "Rambo". Décrit comme un "Rambo" par certains cadres de LREM, Alexandre Benalla se fait remarquer pour ses méthodes musclées. En mars 2017, lors d'un meeting de son candidat à Caen, il lève au-dessus du sol un photographe qui s'en était approché un peu trop près : la rédaction de Public Sénat a affirmé jeudi dans un article que son "journaliste est ceinturé, avant d’être poussé sur 50 mètres par l’officier de sécurité, Alexandre Benalla, qui lui arrache sans autre explication son accréditation presse". La direction de Public Sénat a adressé une lettre à l’équipe du candidat pour dénoncer un incident "grave et incompréhensible".
Un photographe de l'AFP a également témoigné jeudi du comportement "désagréable" d'Alexandre Benalla. Lors d'un déplacement d'Emmanuel Macron dans une école dans l'Yonne le 23 mars 2017, "il m'avait menacé parce que je voulais choisir un angle à moi, et pas le sien. Il me disait 'je vais te faire virer'", affirme Eric Feferberg. Il "ne se présentait pas, il jouait les gros bras. Il ne fallait pas bouger", selon le photographe. Buzz Feed rapporte pour sa part qu’un jeune militant communiste a également été frappé par Alexandre Benatta en novembre 2016, en marge d’un déplacement d’Emmanuel Macron à Bobigny, en Seine-Saint-Denis.
Selon Le Monde, Alexandre Benatta fait établir un devis pour des pistolets lanceurs de balles en caoutchouc, un Flash-Ball et des boucliers antiémeute, dépenses refusées par l'équipe de campagne de Macron car jugées disproportionnées. La commande avait été passée avec Vincent Crase, devenu "l'un des prestataires du service de sécurité de la campagne présidentielle". Les noms des deux hommes se croisent à nouveau dans l'affaire du 1er-Mai : s'il n'est pas identifiable sur les vidéos disponibles en ligne, Vincent Crase "accompagnait" Alexandre Benalla dans sa mission d'observation, selon le porte-parole de l'Elysée, Bruno Roger-Petit. Ce dernier le présente comme un employé de LREM, "très ponctuellement mobilisé par le commandement militaire de la présidence de la République", et avec qui la présidence a cessé de collaborer depuis les violences.
Alexandre Benalla est, lui, toujours "chargé de mission" auprès de l'Elysée, en tant qu'adjoint au chef de cabinet du président. Selon BFMTV, il se trouvait "près" du bus des Bleus pour leur retour en France, lundi.