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Mayalène Trémolet // Crédit photo : MATTES René / hemis.fr / hemis.fr / Hemis via AFP , modifié à
La situation devient davantage tendue à Orléans. Depuis 2023 et l'organisation des Jeux olympiques, des migrants et des sans-papiers sont déplacés de Paris à la préfecture du Loiret, par souci de sécurisation de la capitale. Mais que ce soit la mairie orléanaise, les forces de l'ordre ou les riverains, tous tirent la sonnette d'alarme. 

La ville d'Orléans fait face depuis plus d'un an à un afflux de migrants inédit, en raison d'un dispositif mis en place en 2023 en vue des Jeux olympiques de Paris. La capitale devait être belle et sécurisée pour les Jeux. Ces clandestins et ces sans-abris ont donc été évacués vers plusieurs régions en bus toutes les trois semaines. Mais à Orléans, le maire n'a jamais donné son aval. Les centres d'hébergement sont désormais saturés. Mairie, police, habitants, tous crient leur ras-le-bol.

"Je ne sais pas encore où ils ont prévu de m’envoyer la semaine prochaine"

Devant un hôtel vétuste, d’une cinquantaine de chambres, au bord de l’autoroute, quelques jeunes hommes errent, les yeux rivés sur leurs smartphones. C’est là, à Olivet, en banlieue orléanaise, que régulièrement, un bus venu de Paris dépose une trentaine de personnes, réfugiés ou sans-abri, dans ce qu’on appelle un des "SAS" régionaux. Dans des chambres de 10m2, ils sont hébergés par une association d’aides aux migrants qui leur permet seulement de séjourner sur place pendant une durée maximum de trois semaines.

"Cela fait 14 jours que je suis ici, je ne sais pas encore où ils ont prévu de m’envoyer la semaine prochaine", explique l’un d’entre eux, l’air désespéré, les yeux dans le vague. Le processus est toujours le même, selon Jean, responsable du restaurant de fruits de mer, situé en face de l’hôtel. "Un bus arrive toutes les trois semaines, ils sont 30, 40… On les voit arriver, en revanche on ne les voit jamais repartir. Avant, l’association avait contracté un partenariat avec l’hôtel pour une quinzaine de chambres. Je pense qu’aujourd’hui, c’est tout l’hôtel qui est réquisitionné."

La mairie en guerre contre les arrivées

Dans son bureau, à quelques encablures de la cathédrale, et en plein centre historique, Serge Grouard soupire. Maire de la ville de 2001 à 2015, puis élu à nouveau en 2020, cet ancien LR dit avoir frappé à toutes les portes. Il se bat depuis bientôt deux ans pour que les pouvoirs publics s’emparent du problème, en vain. "Je n’ai jamais été prévenu de ces arrivées, on ne m’a jamais donné de date de fin non plus. Or depuis mai 2023, c’est incessant. J’ai dit qu’Orléans n’allait pas être Calais, y’en a marre."

 

L’édile crie au scandale, dénonce une stratégie irresponsable, affirmant qu’aucune prise en charge n’est véritablement prévue, pour les quelque 700 nouveaux venus, après les trois semaines d’hôtels. "Les SAS, ça n’existe pas, en tout cas pas ici. Quand on parle de lieu d’accueil, on pense accompagnement. Là, ce n’est pas le cas. Ce sont des hôtels, dans lesquels ces personnes restent dans la nature, et puis après, plus rien. Personne ne sait ce qu’ils deviennent. Certains d’entre eux ont même été forcés de quitter Paris, alors qu’ils avaient un travail là-bas !"

Des services sociaux saturés

À Olivet comme dans le centre, habitants et forces de l’ordre s’interrogent, et observent une légère transformation de la ville. Philippe est retraité, venu faire ses courses dans la zone commerciale, il s’arrête devant l’hôtel avant de rentrer dans un supermarché, et soupire : "Qu’est ce qu’on va faire de tous ces gens-là ? Ce sont des jeunes hommes pour la plupart, qui sont là, qui se promènent…Ils n’ont pas de travail, pas de spécialisation, ils n’ont rien d’autre à faire."

Selon lui, le phénomène, qui a commencé en pleine préparation des Jeux olympiques, est une manière de nettoyer Paris, et de déplacer le problème. "C’est sûr qu’il ne fallait pas voir ces gens-là camper au pied de la tour Eiffel ou sur le périphérique. On veut montrer une belle image de Paris. Madame Hidalgo sait très bien ce qu’elle fait", affirme-t-il avec ironie.

Plusieurs signes d'une précarité nouvelle

Comme le septuagénaire, les forces de l’ordre observent avec attention ces nouveaux mouvements, et relèvent de nouveaux comportements, notamment dans les espaces publics. Laissés à eux-mêmes au bout de quelques jours, ces jeunes hommes se retrouvent alors sans abri ni source de revenu, et se rabattent pour certains sur la commune d’Orléans directement.

Une situation qui peut entraîner une délinquance nouvelle, d’après Nancy, membre du syndicat Unité : "On a des personnes qu’on ne voyait pas avant. Ils sont regroupés, puis ils sont dans le centre-ville, en statique, ou à se déplacer en groupe. La plus grosse difficulté, c’est plus pour les habitants, et la délinquance que ça peut entraîner."

En mairie, on s’inquiète aussi. Saturation des services sociaux, installation de campements sauvages dans le centre-ville historique, les incidents se multiplient, et alarment la mairie, qui relève plusieurs signes de cette précarité nouvelle dans la ville. "Nous avons déjà 28% de logements sociaux ici, c’est bien au-dessus de la moyenne nationale, et j’ai 7.000 dossiers en attente. Nos places d’hébergement d’urgence sont saturées, les gens n’appellent plus le 115, puisqu’ils savent qu’ils n’auront pas de place. Avant, je n’avais personne dans ma ville, contrainte de dormir dehors."

Cependant, l’édile salue malgré tout la réactivité du nouveau gouvernement, affirmant que depuis quelques semaines, il se sent plus "entendu", et attend beaucoup du nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.