Et si on réattribuait le Mondial 2022 ? Cet "appel" est lancé par le magazine France Football qui, dans son édition de mardi, a mené l'enquête sur les conditions d'attribution au Qatar de la Coupe du monde en décembre 2010. Entre actes de collusion, de compromission, et même de corruption, que France Football recense dans cette édition titrée "Qatargate", cette désignation du pays du Golfe doit être revue, selon le bihebdomaire. "On parle quand même du Congrès de la confédération africaine qui a carrément été acheté pour que le Qatar puisse venir présenter sa candidature", souligne l'un des auteurs de l'enquête, Eric Champel, au micro d'Europe 1. "On parle de l'académie Aspire, le grand centre de formation internationale pour dénicher des jeunes talents qui iront ensuite au Qatar. Comme par hasard, certains pays où il y avait des votants du comité exécutif, il y a des antennes d'Aspire. On cite pas mal d'exemples qui permettent de recouper quelque chose qui n'est pas complètement transparent et pour le moins opaque."
Le mail de Jérôme Valcke. Pour étayer sa démonstration, France Football cite un mail interne à la Fifa dans lequel le secrétaire général de la Fédération internationale de football, Jérôme Valcke, déclare : "ils ont acheté le Mondial 2022". M. Valcke a par la suite plaidé la méprise et assuré que le ton de son mail était "léger".
Le poids de Mohammed Bin Hammam. Pour obtenir l'organisation de la Coupe du monde 2022, le Qatar se serait appuyé sur de puissants relais, comme le président de la Fédération asiatique, le Qatarien Mohammed Bin Hammam, définitivement radié à vie en décembre dernier après avoir été un temps candidat à la présidence de la Fifa contre Sepp Blatter. "A l'époque de la désignation du Qatar, la rumeur voulait qu'un tiers des votants était soupçonné d'achats de vote", a expliqué sur Europe 1 Renaud Lecadre, journaliste d'investigation au quotidien Libération. "Blatter avait laissé faire. En revanche, quand Bin Hammam avait osé se présenter contre lui, Blatter l'avait accusé publiquement d'avoir distribué des enveloppes de 30.000 euros à plusieurs votants. Si on peut acheter des membres de la Fifa pour l'élection du président, on peut penser qu'on peut aussi le faire pour la désignation d'un pays-hôte..." A ce sujet, un ancien dirigeant de la Fifa, l'Italien Guido Tognoni, n'hésite pas à évoquer de son côté dans France Football un possible "deal" entre Blatter et les Qataris : la présidence de la Fifa pour l'un, l'organisation de la Coupe du monde pour les autres.
La réunion de l'Elysée.France Football évoque également "une réunion secrète" au Palais de l'Elysée, le 23 novembre 2010, une dizaine de jours avant le vote de la Fifa, le 2 décembre, entre le président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, le prince du Qatar, Tamin bin Hamad al-Thani, Michel Platini, président de l'UEFA, et Sébastien Bazin, représentant de Colony Capital, propriétaire du PSG, alors en proie à de grosses difficultés financières. "Au cours de cette réunion", écrit le journal, "il a tour à tour été question du rachat du Paris Saint-Germain par les Qataris (effectif en juin 2011 ndlr), d'une montée de leur actionnariat au sein du groupe Lagardère, de la création d'une chaîne de sport (la future BeIn sport, lancée en juin 2012) pour concurrencer Canal + - que Sarkozy voulait fragiliser -, le tout en échange d'une promesse : que Platini (président de l'UEFA) ne donne pas sa voix aux Etats-Unis, comme il l'avait envisagé, mais au Qatar."
La réponse du Qatar. Interrogés par le bihebdomadaire, les organisateurs du Mondial 2022 rejettent les accusations portées contre eux : "nous avons obtenu l'organisation du Mondial 2022 en respectant du début à la fin les plus hauts standards d'éthique et de morale, tels qu'ils étaient définis dans les règlements et le cahier des charges". En toile de fond de cette enquête, France Football remet clairement en cause le fonctionnement de la Fifa. "Le fonds du problème, c'est la Fifa. Est-ce qu'elle va oser aller jusqu'au bout des enquêtes ? Parce qu'aujourd'hui, on s'aperçoit que dans le sport mondial, il y a un vrai problème de gouvernance", déplore Eric Champel. Ni la Fifa ni l'UEFA n'ont souhaité pour le moment commenter cette vaste enquête.