Alain Colas a découvert la voile à 22 ans, pour ne plus jamais quitter cette discipline. Compagnon d'Éric Tabarly pendant plusieurs années, il finit par se lancer en solitaire. En 1978, il s'aligne au départ de la première édition de la route du Rhum avec son trimaran : le Manureva, ex-Pen Duick IV. Mi-novembre, il disparaît en mer. On n'a jamais retrouvé de traces de l'épave du bateau ou du corps d'Alain Colas. Chez Christophe Hondelatte mercredi, Jean-François Colas revient sur le parcours de son frère et sur sa disparition.
Le virus de la voile. Depuis tout jeune, Alain Colas a l'esprit de la gagne chevillé au corps. C'est comme ça, c'est en lui. Si bien qu'à 22 ans, alors qu'il se trouve en Australie et qu'on lui propose d'être équipier pour une compétition de voile, il accepte tout de suite. Le coup de foudre est immédiat. Alain Colas passera les douze mois suivants comme équipier pour toutes les petites régates dans la baie de Sydney. Mais après un an, il vise plus grand et finit par être embauché en cuisine pour une première course d'envergure : la Sydney-Hobart de 1967.
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À bord du bateau d'une équipe néo-zélandaise, Alain Colas n'a d'yeux que pour un autre voilier : le Pen Duick III et son navigateur Éric Tabarly. Et à la fin de la course, le célèbre marin français vient le voir. Il lui propose de ramener le Pen Duick III avec lui, en Nouvelle-Calédonie. Le début d'un compagnonnage entre les deux hommes, qui durera jusqu'en 1969. "Il avait une grande admiration pour Éric Tabarly. C’était son maître. Il y avait ce respect du maître qui transmettait le savoir", souligne Jean-François Colas.
Le tournant de 1972. En 1969, Alain Colas décide de racheter le Pen Duick IV à Tabarly, pour se lancer en solitaire. Il connaît ce bateau par cœur. Avec Tabarly, Colas a écumé les mers à bord de ce trimaran. C'est l'occasion, il le sent. En 1972, le navigateur s'engage dans la Transat anglaise. C'est sa première course en solitaire et il est loin de faire partie des favoris. Pourtant, il va gagner cette course, en explosant le record précédent de six jours. Alain Colas change de dimension. "Cela change tout pour lui, car il voit la possibilité de pouvoir réaliser ce dont il avait envie : faire le tour du monde et avoir le baptême du cap Horn", confie son frère, Jean-François Colas.
Son rêve va se concrétiser. En 1973, alors qu'il a rebaptisé le Pen Duick IV en Manureva ("oiseau de voyage" en tahitien), Alain Colas réalise le premier tour du monde en multicoques, en 169 jours. Il bat ainsi le record précédent de 32 jours.
Jean-François Colas et Christophe Hondelatte © Europe 1
Une disparition encore mystérieuse. Aussitôt son tour du monde achevé, Alain Colas a déjà un autre projet : la construction d'un quatre-mâts. Le "Grand Bateau" sera officiellement mis à l'eau le 15 février 1976, à Toulon. Mais deux ans plus tard, c'est avec son compagnon de toujours, le Manureva, qu'il prend le départ de la première Route du Rhum. Le 16 novembre 1976, alors en mer, il envoie son dernier message radio : "je suis dans l’œil du cyclone, il n’y a plus de ciel, tout est amalgame, il n’y a que des montagnes d’eau autour de moi'. Après ? Plus rien. Le Manureva et Alain Colas ont disparu. On ne retrouvera pas une seule trace du bateau ou du corps du navigateur, malgré des recherches poussées, si bien qu'il est impossible de savoir ce qui s'est réellement passé. "Il a coulé, c’est une certitude pour moi maintenant", explique de son côté Jean-François Colas.
Cette disparition a nourri beaucoup de fantasmes. Certains ont dit qu'Alain Colas se planquait sur une île déserte, car il avait des dettes. "C'est tellement ridicule. Quand j'entends ces paroles ça me fait rire, ou grincer des dents", lâche son frère au micro d'Europe 1. "Il a été statué, par un tribunal à Papeete, la mort physique de mon frère", rappelle le frère du navigateur. Ce drame donnera un single, écrit par Serge Gainsbourg et Alain Chamfort : Manureva. "'Où es-tu Manureva ?' est une litanie qui tourne dans ma tête depuis 40 ans", conclut Jean-François Colas.