Julia Simon est inarrêtable. Leader au classement général de la Coupe du monde de biathlon, la Française a remporté le titre de championne du monde de poursuite, dimanche, après avoir effectué une folle remontée au classement. La biathlète a échangé quelques mots après sa course, un témoignage rempli d'émotions et de joie.
Journaliste : Comment vivez-vous ce premier titre mondial ?
Julia Simon : "C'est assez fou, c'est en train de devenir réel. Je sens mon téléphone vibrer dans ma poche et je pense que je vais avoir peur quand je vais le regarder. C'est un grand moment. J'étais super concentrée, j'avais ma stratégie, j'étais vraiment imperméable à tout ce qui pouvait se passer autour, je me suis éclatée. Voir Cyril (Burdet, l'entraîneur des Bleues, NDLR) comme un dingue sur le bord de la piste, ça fait quelque chose. C'était vraiment un grand moment."
Journaliste : On vous a vu gagnée par l'émotion…
Julia Simon : "Ce sont des moments qu'il faut vivre pour comprendre. Moi, je suis un peu imperméable aux émotions, pudique des sentiments, mais il y a des moments où il faut laisser sortir un peu tout ça. Je suis restée concentrée jusqu'au sommet de la grosse bosse et après, quand Cyril m'a dit: "C'est bon, tu l'as fait !", là, j'ai eu les jambes qui ont commencé à trembler. Je me suis dit "P..., c'est vrai, avec trente secondes, elle (Denise Herrmann-Wick, 2e) ne reviendra pas." C'est incroyable. C'est un aboutissement dans ma carrière aussi, ça récompense tout le travail que j'ai pu faire. J'ai eu des doutes, comme tout le monde, j'ai eu des moments difficiles. Sur le podium, j'avais les émotions qui commençaient à venir. Je suis super contente de le partager avec deux grandes championnes comme Denise (Herrmann-Wick) et Marte (Roeiseland), qui sont championnes olympiques et ont une énorme expérience, c'est un super moment."
Journaliste : Que représente cette victoire ?
Julia Simon : "Marte (Roeiseland) m'a dit que c'était fort de gagner avec le maillot jaune (de leader du classement général de la Coupe du monde, NDLR). Voilà, je me suis dit que moi aussi je pouvais performer en (grands) championnats. Jusqu'à maintenant, je n'avais pas de médaille individuelle. Je me prouve à moi-même que je peux le faire. Après, ça ne change pas la face du monde, ça ne va pas changer ma vie, ça ajoute une ligne dans mon palmarès, une belle ligne. Je me suis entraînée pour ça, je m'entraîne pour vivre ces émotions."
Journaliste : Racontez-nous le dernier tir face à Herrmann-Wick...
Julia Simon : "J'étais vraiment ultra concentrée, la visibilité n'était pas évidente, mais j'étais bien tout de suite, donc je me suis dit "Allez, j'y vais". Je tire une ou deux balles avant elle, j'entends qu'elle loupe une balle, j'en loupe une aussi à ce moment-là. Après, je suis restée vraiment imperméable, j'ai mis ma dernière balle et quand j'ai remis mes dragonnes, j'ai entendu qu'elle loupait une balle de plus. Je me suis dit: "C'est le moment de ne lui laisser vraiment aucun espoir, de partir fort tout de suite"."
Journaliste : Dans quel état d'esprit avez-vous abordé cette poursuite ?
Julia Simon : "Je sais que je suis passée à côté de mon sprint (Simon n'a fini que 10e vendredi, NDLR), que je n'ai pas fait du bon travail, mais ça ne veut pas dire que la poursuite est finie. Je suis quelqu'un qui aime être à la bataille, qui aime les challenges, et cette course-là, c'était un beau challenge. "Paulo" (Jean-Paul Giachino, l'entraîneur de tir des Bleues), il ne me dit pas trop "full attack", il se méfie, parce qu'il sait que je suis tout le temps sur le fil du rasoir… Je suis toujours à l'attaque, c'est ma manière de faire du biathlon, ma manière de vivre le tir. Il faut juste que je canalise cette énergie, que je réussisse à rester calme sur mes tirs couché et à en mettre un petit peu plus debout, avec cet esprit d'engagement. Aujourd'hui (dimanche), j'ai réussi à gérer tout ça, j'étais très sereine, très confiante."
Journaliste : Que change ce titre mondial à vos yeux ?
Julia Simon : "Ça ne change strictement rien. Après, on efface, on recommence, on repart à zéro. Mais cette médaille, maintenant je l'ai, personne ne me l'enlèvera et ça fait du bien."