En quelques minutes, la nouvelle a provoqué la stupeur dans le monde entier. Diego Maradona, "El Pibe de Oro", ce petit gamin des quartiers pauvres de Buenos Aires qui a mis la planète à ses pieds, est mort brutalement mercredi à l’âge de 60 ans. Immédiatement, les hommages ont plu pour saluer la mémoire du milieu offensif argentin, considéré comme l’un des plus grands footballeurs de tous les temps.
Personnalité aussi charismatique que tourmentée, aussi agile pour dribbler les défenseurs que les soubresauts d’une vie aux mille facettes, Diego Maradona a marqué des générations de fans de foot par ses exploits avec l’Argentine, qu’il amènera sur le toit du monde en 1986, et avec son club de Naples, à qui il sera lié pour l’éternité. Europe 1 retrace le destin de ce "gamin en or" en cinq actes.
L’enfant prodige de Buenos Aires
Diego Maradona n’est encore qu’un enfant quand il fait parler de lui. Né le 30 octobre 1960 dans les quartiers pauvres de Buenos Aires, il se distingue rapidement par une agilité hors pair balle aux pieds. A 10 ans, le fabuleux gaucher est repéré par les recruteurs d’Argentinos Juniors, le club local, et commence à enchaîner les exploits avec ses petits camarades, au point de d’attirer l’attention des journalistes argentins. Gamin surdoué, phénomène de précocité, il débute peu avant ses 16 ans chez les professionnels. Avec Argentinos Juniors, il se fait rapidement un nom et décroche ses premières sélections avec la sélection argentine dès 1977, à 16 ans.
Après cinq saisons avec son club formateur, il est acheté en 1981 par Boca Juniors, l’un des deux géants du foot argentin avec River Plate. Même en n’y restant que deux ans (avant d'y revenir à la fin de sa carrière), celui qui est déjà surnommé "El Pibe de Oro", le gamin en or, entre pour toujours dans le cœur des bouillants fans de la Bombonera, le stade de Boca. Buts, dribbles, passes de génie : Diego Maradona devient une star du foot mondial. Il est temps pour lui de partir en Europe, direction le grand FC Barcelone.
Une star en échec à Barcelone
Pourtant, rien ou presque ne se passera comme prévu en Espagne. Le petit Argentin n’y remportera qu’une Coupe d’Espagne, bien loin des attentes du club blaugrana qui a dépensé plus de 7 millions de dollars pour l’attirer, une somme monumentale à l’époque. Victime de plusieurs blessures, il peine à retrouver son niveau et commence à goûter à la drogue et l’alcool, qui deviendront pendant des années son fardeau.
De ses deux saisons en Catalogne, il restera finalement une image, si symbolique de ce génie aux deux facettes : en finale de la Coupe du Roi 1984, face à l’Athletic Bilbao, il déclenche une bagarre générale d’une violence inouïe. L’aventure barcelonaise touche à sa fin, le rebond n’en sera que plus spectaculaire.
L’idole absolue de Naples
En juillet 1984, Diego Maradona prend la direction de Naples, à la surprise générale, pour plus de 12 millions de dollars, où il est accueilli par des dizaines de milliers de supporters en délire au Stade San Paolo. En ce milieu des années 1980, le Napoli n’est pourtant qu’un club de second rang dans la toute puissante Serie A, alors constellée de stars et de grandes équipes, parmi lesquelles la Juventus Turin de Michel Platini. Personne, à ce moment-là, ne peut imaginer que le club phare de cette ville pauvre et déshéritée, moquée par toute la Péninsule, va damer le pion aux richissimes équipes du Nord. La suite, légendaire, a été racontée à travers des tonnes de livres, de documentaires et de films.
Maradona et Naples remportent par deux fois la Serie A, en 1987 et en 1990, décrochent même la Coupe UEFA en 1989 et entrent dans la légende. Jamais, une équipe du Sud de l’Italie n’avait réussi pareil exploit. Jamais, peut-être, un joueur n’aura reçu autant d’amour d’une ville, Naples, à qui il restera lié pour l’éternité. Encore aujourd’hui, impossible de se promener dans les rues napolitaines sans voir des maillots, des fresques ou des posters à l’effigie du "Pibe de Oro". Ni ses liens avec la Camorra, la mafia locale, ni ses frasques, dont sa consommation de cocaïne, n’auront raison de ce lien.
La Coupe du monde 1986, son chef d’œuvre
Mais si le petit numéro 10 est devenu une légende du football, il le doit avant tout à ses exploits avec l’Argentine. L’apogée de sa carrière a lieu à l’été 1986, au Mexique, où il mènera tout un peuple à une deuxième victoire en Coupe du monde, après une victoire en finale face à la RFA (Allemagne de l’Ouest, 3-2). Quelques jours auparavant, le 22 juin 1986, il réalise le chef d'œuvre d'une vie en quarts de finale face à l'Angleterre, "l'ennemi" qui a battu militairement l'Argentine quatre ans plus tôt lors de la Guerre des Malouines. Au stade Aztèque de Mexico, Diego Maradona marque d'abord un but de la main : la fameuse "main de Dieu". La suite, tous les amateurs de football la connaisse : il prend la balle au milieu de terrain, dribble la moitié de l'équipe anglaise et s'en va marquer le but de la victoire (2-1). Sans doute le plus beau de l'histoire de la Coupe du monde.
Quatre ans après, ce sera le début de la fin pour Maradona. Et comme un symbole, le déclin de l'un des deux plus grands joueurs de l'histoire du football (avec Pelé), a lieu à Naples, dans ce Stadio San Paolo qui l'a fait roi et qui va le conspuer tout au long de la demi-finale du Mondial 1990 face à l'Italie. L'Argentine gagnera aux tirs au but, mais plus rien ne sera jamais comme avant. Quelques jours plus tard, en finale face à l'Allemagne (défaite 1-0), l'hymne argentin est hué par le Stadio Olimpico, Maradona insulte les fans italiens en retour. Un an plus tard, il quittera Naples et ne retrouvera plus son niveau. Ses démons, eux, resteront à ses côtés.
Un homme d'excès
C'est le début de la déchéance, des déclarations tapageuses, des outrances de tous ordres, des retours au premier plan soigneusement orchestrés par un entourage de requins. Les cures de désintoxication vont désormais alterner avec les rechutes. Sali par les scandales, sous le coup d'une suspension de deux ans pour un nouveau contrôle positif en pleine Coupe du monde 1994, il quitte officiellement le monde du football en 1997, à 37 ans, le jour de son anniversaire. Loin des stades, la déchéance va s'accélérer. En 2000, il est hospitalisé à Punta del Este, célèbre station balnéaire d'Uruguay, pour une crise cardiaque liée à la drogue.
Il s'en sort et part à Cuba en cure de désintoxication. Quatre ans d'allers et retours entre son pays et sa seconde patrie ne réussiront pas à le guérir durablement de sa dépendance à la cocaïne. Mais l'Argentine veut à nouveau y croire. Une fois encore, il s'en sort et reprend du service. Nommé sélectionneur de l'équipe d'Argentine en 2008, il est écarté deux ans plus tard pour mauvais résultats, après avoir été humilié par l'Allemagne en quarts de finale (4-0) du Mondial 2010. Il continuera d'entraîner, mais avec bien moins de succès qu'en tant que joueur. En 2018, comme un ultime pied de nez, il devient entraîneur des Dorados de Sinaloa (D2 mexicaine) avant d'en claquer la porte avec fracas huit mois plus tard à cause d'un pénalty non sifflé pour son club. Du Diego pur jus...