A côté des scènes de violence qui ont émaillé la journée de dimanche, jour du référendum d’autodétermination en Catalogne, on retiendra aussi les images du Camp Nou, totalement vide. Pour protester contre les actions de la police espagnole, le FC Barcelone a choisi de jouer – et de gagner (3-0) contre Las Palmas – à huis clos. Un nouveau palier de franchi par le club, supporter numéro un de la cause catalane.
Un défenseur du référendum…
"Devant les événements liés à la situation politique que vit la Catalogne ces derniers jours, et fidèles à nos engagements historiques en faveur de la défense du pays, de la démocratie, de la liberté d'expression et du droit de décider, nous condamnons toute action qui pourrait empêcher le plein exercice de ces droits", avait indiqué le club dans un communiqué, le 20 septembre dernier. Une manière d’affirmer et de donner un peu plus de sens à son slogan : "Més que un club" ("Plus qu’un club").
" Le Barça a toujours été à l’image de la société catalane. "
Cette liberté est utilisée depuis toujours par les socios (actionnaires du club au nombre de 140.000) qui se rendent au stade. A chaque match, après exactement 17 minutes et 14 secondes de jeu, des "Independancia" sont scandés aux quatre coins du stade – en clin d’œil au 11 septembre 1714, origine de la Diada, jour de fête nationale en Catalogne. Et les supporters connaissent parfaitement le pouvoir d’attraction du club, reconnu et admiré dans le monde entier. Ces mots d’indépendance sont également traduits en plusieurs langues et inscrits sur des pancartes blanches les soirs de Ligue des champions.
… mais pas en faveur de l’indépendance
Historiquement, le Barça a toujours été le club de la Catalogne. Pendant la dictature franquiste, alors que le catalan était totalement proscrit, le Camp Nou restait le seul endroit où on pouvait encore se risquer à parler cette langue. En 2014, le club a même décidé de jouer pour la première fois avec un maillot "senyera", aux couleurs sang et or du drapeau catalan. Avec ces symboles qui se sont multipliées ces dernières années, le club n’a fait que renforcer la haine du Real Madrid, le club du roi d’Espagne.
"Le Barça a toujours été à l’image de la société catalane", décrypte Henry de Laguérie, correspondant d’Europe 1 en Espagne. "Dans les années 80, il y avait très peu d’indépendantistes et le club se positionnait peu sur ce genre de questions. On a l’impression qu’il y a une politisation récente du club depuis l’étranger mais en fait, elle correspond à la politisation récente de la région."
Le club va devoir trancher
Si depuis 2014, les dirigeants du Barça sont favorables au "droit de décider" de la Catalogne, le pas n’a pas encore été franchi pour l’indépendance. Mais les derniers signaux ne trompent pas. Les larmes de Gérard Piqué dimanche après le match à huis clos, ont fait la Une du journal sportif catalan Sport. "Le Barça a choisi de jouer à huis clos un match qui n’aurait jamais dû se jouer", explique le journal pro-catalan. Ce même lundi matin, le journal madrilène Marca affiche, au contraire, sa totale désapprobation : "Le Barça a essayé de suspendre la rencontre pour appuyer le référendum illégal mais a fini par reculer devant la sanction agitée par la Ligue".
L’opposition est frontale dans ce football ibérique de plus en plus politisé. Et forcément, tous les observateurs se demandent quelle sera la prochaine étape. Le Barça, qui ne veut pas brusquer les supporters du reste de l’Espagne, pourra-t-il résister encore longtemps à la volonté indépendantiste de ses socios ? "Ce qu’il se passe aujourd'hui entre le Barça et les autres clubs catalans est le calque parfait de ce qu’il se passe entre la Catalogne et le reste de l’Espagne", analyse Henry de Laguérie, auteur de Les Catalans. Et de pronostiquer une évolution inéluctable au sein du club : "sous la pression de ses socios, le président actuel du Barça Josep Maria Bartomeu va avoir beaucoup de mal à ne pas se prononcer en faveur de l’indépendance". Dimanche après-midi, Carles Villarubi, le vice-président du club, a choisi de démissionner pour dénoncer le manque de courage de Bartomeu.