Une combinaison noire moulante, ornée d'une ceinture rouge. La tenue arborée par la tenniswoman Serena Williams lors de la dernière édition de Roland-Garros suscite une polémique depuis plusieurs jours. Entre tentatives d'apaisement et supporters outragés, les réactions se multiplient. Europe 1 revient sur cette affaire qui agite le tennis mondial.
Une tenue "qui est allée trop loin", selon le président de la FFT
Deux jours avant le coup d'envoi de l'US Open, dernier tournoi du Grand Chelem de l'année, le président de la Fédération française de tennis (FFT), Bernard Giudicelli, a donné une interview à Tennis Magazine pour le numéro de septembre. Il y a alors commenté la combinaison noire en lycra, avec une ceinture rose, que portait Serena Williams, en juin dernier Porte d'Auteuil (tenue qu'elle n'a plus jamais remise depuis).
"Je crois qu'on est parfois allé trop loin. Cette tenue ne sera plus acceptée. Il faut respecter le jeu et l'endroit. Tout le monde a envie de profiter de cet écrin", a regretté le dirigeant. "Si je fais passer une émotion avec quelque chose qui est beau dans un endroit qui est beau, l'émotion est magnifiée." Une sortie qui a fait grand bruit aux États-Unis, certains supporters de la championne y voyant une remarque raciste.
Des réactions de soutien à Serena Williams... ou à Roland-Garros
L'ancienne championne de tennis, Billie Jean King, 74 ans, a estimé sur Twitter qu'il était temps d'arrêter de "vouloir contrôler le corps des femmes". "Le 'respect' dont il est question est celui de l'exceptionnel talent que Serena Williams apporte dans le jeu", a ajouté la militante pour l'égalité des sexes dans le sport.
Jean Gachassin, l'ancien président de la FFT, s'est lui aussi opposé aux propos de son successeur. Il a déclaré au Parisien mardi avoir trouvé cette remarque "indélicate." "Peut-être qu'il trouve que la tenue de Serena Williams n'est pas belle ou pas respectueuse de Roland-Garros. Intéressons-nous plutôt au jeu et à la championne." "Qui sommes-nous pour juger de l'esthétique de la tenue ?", s'est-il interrogé.
En revanche, le numéro 1 mondial, Rafael Nadal a pris la défense des organisateurs de Roland-Garros, mardi. "Je pense que chaque tournoi a le droit de faire ce qu'il considère le mieux", a déclaré Nadal, interrogé à l'issue de sa qualification pour le deuxième tour de l'US Open. "Pourquoi, si Wimbledon a ses propres règles, Roland-Garros ne pourrait pas en avoir ?", a-t-il insisté.
Serena Williams, "une super-héroïne"
De son côté, Nike, l'équipementier concepteur de cette fameuse combinaison, n'a pas raté l'occasion de faire parler de lui avec un slogan qui a fait mouche sur les... réseaux sociaux. "On peut retirer le costume d'une super-héroïne, mais on ne peut pas lui retirer ses super-pouvoirs", s'est enflammée la marque à la célèbre virgule en postant un photo en noir et blanc de la championne.
You can take the superhero out of her costume, but you can never take away her superpowers. #justdoitpic.twitter.com/dDB6D9nzaD
— Nike (@Nike) 25 août 2018
Dès son entrée dans la compétition française, la jeune femme de 36 ans avait commenté sa propre tenue inspirée du film Black Panthers. "J'ai toujours voulu être une super-héroïne et c'est un peu une manière d'en devenir une. J'ai vraiment l'impression d'être une super-héroïne quand je la porte", avait-elle déclaré en mai dernier.
Une combinaison pour une meilleure circulation sanguine
La championne avait d'ailleurs expliqué que sa tenue près du corps permet aussi "une meilleure circulation sanguine". Un dispositif médical nécessaire pour celle qui avait connu des complications médicales après avoir donné naissance à sa fille, Olympia, en septembre, notamment des "problèmes de caillots de sang". Une raison thérapeutique que Serena Williams n'avait pas manqué de rappeler, jouant la carte de l'apaisement lors de sa dernière conférence de presse avant l'ouverture de l'US Open.
"Je ne sais pas exactement ce qu'il a semblé dire ou n'a pas semblé dire, mais on en a déjà parlé, nous avons une excellente relation", a insisté Williams qui a laissé entendre qu'elle en avait parlé ce vendredi avec Bernard Giudicelli. "Je pense que les tournois du Grand Chelem ont le droit de faire ce qu'ils veulent, mais je pense aussi que s'ils savent que certaines choses ont une raison médicale, il n'y a aucune raison qu'ils ne soient pas OK", a-t-elle noté.
Un code vestimentaire à l'étude pour Roland-Garros
Le directeur des Internationaux de France, Guy Forget, a annoncé mardi dans L'Équipe vouloir mettre en place un code vestimentaire "beaucoup plus souple qu'à Wimbledon", mais avec l'idée d'instaurer une certaine élégance et de créer "un style Roland-Garros".
Revenant sur la décision d'interdire l'an prochain la combinaison noire portée cette année par Serena Williams, Forget a salué la réaction d'apaisement de la joueuse américaine. Interrogé sur sa volonté de créer un code vestimentaire pour les Internationaux de France, Forget a répondu : "exactement. C'est la piste qu'on explore", ajoutant immédiatement que celui-ci sera toutefois "beaucoup plus souple que celui de Wimbledon, qui s'est durci au fil du temps".
"À Roland, la tenue des joueurs participerait de la cohérence globale" mise en place autour du nouveau stade. "Je crois qu'on peut concilier élégance, modernité et aspect pratique", ajoute l'ancien joueur. "Joueurs et fabricants devront innover dans un cadre défini à l'avance qui privilégiera l'élégance", a-t-il précisé, mettant en avant la "nécessité d'avoir un style Roland-Garros". Forget espère que ces nouvelles règles vestimentaires pourront être adoptées d'ici la livraison complète du nouveau stade de Roland-Garros en 2021.