Diego Maradona avec le maillot de l'OM : une chimère qui a failli devenir réalité. Le légendaire numéro 10 argentin, mort mercredi à 60 ans, a été tout proche de signer à Marseille au début des années 1990. Fin mai 1989, l’Olympique de Marseille version Bernard Tapie remporte le premier de ses quatre titres nationaux consécutifs, devant le PSG. Malgré un effectif pléthorique (Papin, Cantona, Förster, Abedi Pelé), l’OM cherche à faire un nouveau coup sur le marché des transferts. Et le "Boss" Bernard Tapie va chercher à enrôler ce qui se fait de mieux au monde : l’Argentin Diego Armando Maradona.
Hidalgo à la rencontre du "Pibe de Oro"
La rencontre entre les dirigeants marseillais et la star argentine a lieu entre le 30 mai et le 1er juin, en toute discrétion. "Bernard Tapie m’a demandé de prendre un avion pour aller voir Maradona chez lui, à Naples", s'était remémoré il y a quelques années pour Europe 1 l’ancien directeur sportif de l’époque, Michel Hidalgo disparu en mars 2020. "Il ne voulait pas que je prenne un avion de ligne, de peur que les journalistes voient mon nom." Une fois arrivé en Campagnie, Hidalgo est conduit par un entremetteur, l’agent de joueurs Michel Basilevitch, qui avait organisé la rencontre au domicile de l’Argentin, une villa "pas très luxueuse" située dans un "quartier sans charme" de Naples.
"C’était le baptême de sa fille (qui est aujourd’hui la femme de l'attaquant de Manchester City Sergio Agüero, ndlr) et, pour l’occasion, beaucoup de journalistes et de photographes étaient invités, il y avait beaucoup de remue-ménage. J’ai dû rester tout au long de l’entrevue, dans la cuisine, à l’abri des regards." Les discussions ne durent quelques minutes, Maradona faisant d’incessants va-et-vient entre le salon et la cuisine, glissant un "Mister Hidalgo" par ci par là.
De prime abord, Maradona, alors au sommet de son art, semble prêt à rejoindre l’OM. "Quand je lui demandais si son président était d’accord, il me disait : "S’il ne me laisse pas partir, je lui tords le coup"", se rappelle Michel Hidalgo. Maradona à l’OM : l'affaire semble donc bien engagée. Et elle va même s'étaler à la Une des journaux...
En Une du Provençal
Mario Albano, journaliste au quotidien régional La Provence, a vécu cette folle histoire de l’intérieur, lorsqu’il était à l’époque au Provençal. "Je reçois un coup de fil le 3 juin, vers 2h du matin, de Jean-Louis Levreaux", expliquait-il en 2013 au micro d'Europe 1. "Il me dit : "Maradona va signer à l’OM, il faut que tu ailles au journal"." Un appel loin d’être anodin puisque Jean-Louis Levreaux est le chef du service des sports du Provençal mais aussi le vice-président de l’OM...
Alors que le journal boucle d’habitude à 1h du matin, Mario Albano doit "casser" la Une du lendemain matin pour annoncer la nouvelle. "Je me suis retrouvé à 3h-3h15, tout seul dans la rédaction du Provençal à refaire la Une, à écrire un article, à le mettre en page." Le papier orne la Une du quotidien du 3 juin 1989. "C’était un petit peu irréel."
La mafia napolitaine dit non
Seulement voilà, Maradona n’est pas le seul décideur à Naples, qu'il a conduit au titre de champion en 1987. S’il fait la pluie et le beau temps au Stade San Paolo, le Pibe reste dépendant du club... et de la mafia napolitaine. "Le président de l’époque, Corrado Ferlaino, avait donné son accord, tout était réglé", rappelle Mario Albano. "En gros, Maradona voulait partir, le club était OK, mais la Camorra était beaucoup moins d’accord. Les enjeux sportifs et économiques étaient trop importants."
Les discussions continuent tout au long de l’été, Bernard Tapie annonçant même le 31 août 1989, date de clôture du mercato, que Maradona "portera le maillot de l'OM où il terminera sa carrière européenne". Finalement, l’affaire capote et Marseille opte pour l’Anglais Chris Waddle. "Diego" ne portera jamais le maillot olympien. Il reviendra bien à Marseille, en 2009... pour affronter l’équipe de France à la tête de la sélection argentine (victoire 2-0 de l'Albiceleste). Trente ans plus tard, le transfert avorté du "Pibe de Oro" sur la Canebière fait désormais partie de la légende de l’OM...