Formule 1 4:30
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Romain Grosjean, sorti sans graves blessures d'un accident impressionnant sur le circuit de Bahrein, dimanche, était l'invité exceptionnel d'Europe 1, mercredi. Le pilote de l'écurie Haas raconte son incroyable sauvetage et les émotions par lesquelles il est passé pendant ces quelques secondes où tout s'est joué.
TÉMOIGNAGE

Il en parle avec une voix presque légère, en décalage avec la gravité des images qui ont fait le tour du monde depuis trois jours : Romain Grosjean s'est confié, mercredi soir sur Europe 1, sur le grave accident qu'il a subi au début du Grand Prix de Bahrein, dimanche après-midi, lorsque sa monoplace a pris feu et laissé penser, l'espace de quelques instants, que le Français allait mourir. "J'ai vu la mort", témoigne d'ailleurs le pilote miraculé au micro de Julian Bugier, qui retrace le fil de cette incroyable séquence.

"Besoin" de revoir les images

Tout juste sorti de l'hôpital, Romain Grosjean a depuis revu l'accident, qui lui a "seulement" laissé des brûlures aux mains. "J'avais besoin de voir de l'extérieur ce qui s'était passé, puisque de l'intérieur ce n'était pas clair", explique-t-il.

" J'ai pensé à pas mal de choses, à Niki Lauda notamment "

Justement, qu'a-t-il vécu depuis l'intérieur de sa monoplace en feu ? "Au début, je n'ai pas réalisé qu'il y avait le feu, puisque je n'avais pas de feu dans le cockpit", relate le Français. "J'ai essayé de sortir et je me suis rendu compte que j'étais bloqué par quelque chose, donc je me suis rassis. Je me suis dit que j'allais attendre qu'on vienne m'aider. Et puis j'ai regardé du côté gauche. Bizarrement, la lumière était orange, la visière était un peu bizarre… Là, j'ai compris qu'il y avait des flammes, donc j'ai voulu ressortir de la voiture en me disant que je n'avais pas le temps d'attendre. J'ai essayé à droite, j'ai essayé à gauche. C'était bloqué. Je me suis rassis. J'ai pensé à pas mal de choses, à Niki Lauda notamment, dont l'accident [en 1976] est très connu dans le monde de la Formule 1. Il avait brûlé vif dans sa voiture et avait pu s'en sortir."

"Les muscles se détendent"

Le temps passe et les secondes s'étirent, pour lui comme pour les téléspectateurs. "Pour moi, ces 28 secondes ont duré une minute et demie", précise Romain Grosjean, qui garde un souvenir extrêmement précis de ces instants. "J'ai ensuite pensé que ça ne pouvait pas se terminer comme ça, que ça ne pouvait pas être la fin de ma carrière en Formule 1", poursuit le pilote. "Il fallait que je sorte. J'ai réessayé et il y a eu un moment un peu moins drôle, puisque je me rends compte que je ne peux pas sortir, que les flammes sont là, que le feu commence à prendre. Là, j'ai vu la mort. Mon corps a commencé à se détendre."

" Au moment où je sais que les épaules sont passées, je sais que je vais vivre "

C'est tout l'inverse qu'on imagine : d'affreuses pensées et le corps qui se tend, certain d'être pris au piège d'une monoplace dévorée par les flammes. "C'est une sorte d'acceptation de la situation où les muscles se détendent", rembobine le Français de 34 ans. "Je me suis dit 'bon, par où est-ce que ça va commencer à me brûler, est-ce que ça va faire mal ?' Là, j'ai une pensée pour mes enfants en me disant que ce n'est absolument pas possible. Je tire sur mon pied gauche qui était bloqué au fond du châssis, la chaussure reste accrochée à la pédale et moi, j'arrive à extraire mon pied. Et là, je trouve un moment de lucidité en essayant de tourner mon casque, passer sous la barrière, tourner mon buste. Au moment où je sais que les épaules sont passées, je sais que je vais vivre et que je vais m'en sortir."

Ces moments "terre à terre" après l'accident

À ce moment-là, Romain Grosjean n'est pas encore sorti de sa monoplace Haas. "J'ai les deux mains posées dans le feu, donc je vois mes gants brûlés, je sens la douleur. Je sais que mes mains sont en train de brûler, mais d'un autre côté, je sais aussi que je vais être en vie. Ensuite, je sens le docteur de la FIA (Fédération internationale automobile, ndlr) qui attrape ma combinaison et qui me tire vers lui. Là, je sais définitivement que je verrai le lendemain."

Avant le lendemain et ce sourire de chambre d'hôpital partagé des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, il y a ces moments "terre à terre" sur l'asphalte de l'archipel arabe, retrace Romain Grosjean. Il pense à "(s)'asseoir, à enlever (ses) gants". "J'avais les mains brûlées et il ne fallait pas que la peau colle aux gants. Ensuite, je voulais absolument marcher de la voiture médicale à l'ambulance, qu'on me voit marcher quelques mètres. J'avais besoin d'aide, parce que j'avais une entorse à la cheville gauche et je n'arrivais pas à marcher à ce moment-là. Mais j'avais besoin qu'on me voit debout allant vers l'ambulance, pour comprendre que ça allait."