En politique, pour s’adresser aux citoyens, mieux vaut aller les chercher là où ils sont. Une règle appliquée au pied de la lettre par une dizaine de ministres du gouvernement, dépêchés pour un "Débathon" de onze heures avec des vidéastes et des jeunes, diffusé en direct sur Twitch. Cette plateforme, qui propose uniquement des "live", est devenue ces dernières années une référence dans le monde du jeu vidéo, avant de se diversifier. Comme d’autres acteurs avant lui, le gouvernement français a bien compris l’intérêt principal de Twitch : aujourd’hui, c’est le moyen le plus direct pour s’adresser aux très prisés 18-35 ans.
La formule Twitch : simplicité et transparence
Beaucoup de gens ont découvert l’existence de Twitch lundi après l’annonce de ce "Débathon" et pourtant la plateforme – accessible sur Internet ou via une application pour smartphone et console de jeu, va fêter ses huit ans cette année. Fondée par les Américains Justin Kan et Emmett Shear en 2011, elle était initialement entièrement dédiée à la diffusion de "streams" de jeux vidéo : des "gamers" qui se filment en direct en train de jouer à divers jeux vidéo (les plus prisés étant Minecraft, League of Legends ou encore le phénomène Fortnite).
Un Youtube en temps réel. Un temps dans l’ombre de Youtube, Twitch a commencé à séduire les joueurs grâce à sa simplicité : il suffit de créer sa chaîne et d’avoir une caméra pour pouvoir diffuser ses vidéos. Pour les spectateurs, c’est tout aussi facile d’accès : la plateforme, gratuite, fonctionne sur un système d’abonnement aux chaînes que l’on veut suivre. Twitch formule également des recommandations en fonction des joueurs suivis ou des jeux les plus populaires du moment.
Très vite, Twitch s’est donc taillé une belle place dans la communauté des amateurs de jeu vidéo. Tout le monde y trouve son compte, des deux côtés de l’écran. Les joueurs retrouvent, comme sur Youtube, la possibilité d’être rémunérés pour leurs contenus et se rapprochent de leur communauté grâce au tchat, espace de discussion où les spectateurs échangent et peuvent interpeller le "streamer". Quant aux fans, ils gagnent également en proximité avec les stars du genre, auxquelles ils peuvent demander des conseils pour progresser sur tel ou tel jeu vidéo. La popularité du secteur vidéoludique a fait le reste : certaines stars sont parvenues à rassembler jusqu’à 300.000 voire 600.000 spectateurs en même temps sur une vidéo.
Divertissement et débat
Un succès qui a fini par sortir Twitch de la niche des "gamers". Conscient du potentiel de la plateforme, Amazon a déboursé un milliard de dollars en 2014 pour la racheter. Ce premier coup de projecteur a attiré l’attention d’acteurs plus traditionnels qui se sont simplement rendu compte que c’est là que sont les jeunes aujourd’hui. Les associations ont notamment très vite compris l’intérêt de capter un public jeune et réactif. En faisant équipe avec des joueurs connus, elles sont parvenues à lever des fonds non négligeables : en novembre, un marathon de jeu vidéo de trois jours a ainsi permis de récolter plus d’un million d’euros pour Médecins sans frontières.
Une plateforme de divertissement globale. Aujourd’hui, on trouve des chaînes Twitch d’artistes, de vidéastes plus traditionnels ou encore de médias (Le Figaro notamment), tous en quête d’une nouvelle audience. Et les jeunes spectateurs de Twitch ont confirmé leur intérêt pour cette forme de création en direct. Le record d’audience français n’a pas été réalisé par un "gamer" mais par le youtubeur et "twitcher" Squeezie, qui a diffusé sur sa chaîne une pièce de théâtre jouée avec d’autres vidéastes célèbres (Cyprien et McFly et Carlito). Au cours de la soirée, 390.000 personnes étaient réunies pour vivre l’événement annoncé quelques semaines plus tôt.
A priori, la chaîne Accropolis, spécialiste des débats politiques et qui accueille le "Débathon", ne devrait pas battre ce record mardi avec le passage des ministres qui ont accepté de se plier à l’exercice. Dans la matinée, les échanges étaient suivis par 6.000 à 9.000 spectateurs en même temps. Mais l’audience cumulée en fin de journée devrait donner des indices sur l’intérêt réel des politiques à utiliser Twitch pour communiquer.