Sur le front du dérèglement climatique, les nouvelles sont souvent mauvaises, voire inquiétantes. Ce mercredi, le service européen Copernicus indiquait que l'année 2023 était, d'ores et déjà, la plus chaude de l'histoire. Quant aux émissions de gaz à effet serre, les efforts des États pour les réduire seront très insuffisants pour tenir les objectifs de l'accord de Paris, alertait, le mois dernier, le Programme des Nations unies pour l'environnement. Pour rappel, lors de la COP21 en 2015, dans la capitale française, un accord visant à limiter l'augmentation de la température terrestre à 1,5 degré avait été adopté par 196 parties.
Un objectif qui parait de plus en plus inatteignable, à cause notamment de la prolifération de ces gaz à effet de serre, directement responsables du réchauffement de la planète. Cependant, à en croire les conclusions d'une étude publiée dans la revue scientifique Nature, une lueur d'espoir pourrait venir des océans. Si l'on connaissait la capacité de ces vastes étendues d'eau à agir comme un puits de carbone - les océans captent environ 30% du CO2 émis par les humains, selon le CNRS - une équipe de chercheurs vient de révéler leur pouvoir encore plus accru en la matière. Grâce aux morceaux de plancton mort, qui coulent ensuite tout doucement vers les fonds marins avant de s'agréger et de former une "neige marine", les océans absorbent davantage de gaz carbonique que prévu.
15 gigatonnes de CO2 absorbées chaque année
"Ce phytoplancton, qui vit à la surface de l'océan, fait de la photosynthèse, un peu comme les plantes", explique auprès d'Europe 1 Frédéric Le Moigne, océanographe et biologiste marin au CNRS, mais aussi coauteur de l'étude. "Ce phytoplancton va donc convertir le gaz carbonique en tissu organique. Une partie de ce plancton est consommée par la chaine alimentaire en surface, mais il y a tout de même une partie qui résiste à cela et qui coule. (...) Et lorsque le gaz carbonique arrive au fond des océans, c'est là qu'il est séquestré pour des dizaines de milliers d'années", ajoute-t-il.
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Ce phénomène est aussi connu sous le nom de pompe biologique de carbone qui se distingue de la pompe physique. "Les formations d'eau profonde captent du CO2 et, physiquement, puisque l'eau plonge, elles vont transporter du carbone vers le fond des océans". Un phénomène efficace, mais qui assure un stockage du CO2 sur une durée plus limitée.
Dans son rapport publié en 2021, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) s'était déjà penché sur ce phénomène et estimait alors son pouvoir de captation du CO2 à 11 gigatonnes par an. "Nous avons recalculé en prenant une approche légèrement différente et on l'a estimé à environ 15 gigatonnes par an. Ce qui est assez important. Cela met en relief l'importance du système océanique en tant qu'acteur majeur du climat", souligne Frédéric Le Moigne.
Un processus fragilisé par le réchauffement climatique
Pour autant, ce mécanisme naturel ne saurait remporter, à lui seul, la bataille contre les émissions de gaz à effet de serre. "Ce processus s'opère sur des dizaines de milliers d'années, donc il n'est pas forcément suffisant pour contrebalancer l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre", avertit le chercheur. Pire encore, cette absorption de carbone pourrait perdre en efficacité, à mesure que la température terrestre, et donc sous-marine, augmente. "Des études montrent que, dans un océan plus chaud, on va se retrouver avec du plancton plus petit, qui va créer moins de neige marine. Donc ce phénomène est en danger avec le réchauffement climatique", assure Frédéric Le Moigne.
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Cette découverte scientifique n'aura donc pas d'incidence significative majeure sur la tendance climatique, mais fournit tout de même de précieux enseignements. "Avoir une meilleure compréhension des processus et des flux nous permettra d'affiner nos prédictions à l'avenir", conclut le scientifique.