Contrôles, amendes : des pratiques policières d'«éviction des indésirables», selon une étude

Un rapport du centre de recherche sur les inégalités sociales de Sciences Po, commandé par le Défenseur des droits, a analysé les contrôles d'identité policiers et amendes à répétition. Ce rapport décrit "une politique institutionnelle" destinée à évincer de l'espace public parisien des personnes considérées comme "indésirables".
En analysant des contrôles d'identité policiers et amendes à répétition, une étude publiée mercredi par le Défenseur des droits décrit "une politique institutionnelle" destinée à évincer de l'espace public parisien des personnes considérées comme "indésirables", soit des jeunes racisés issus de milieux populaires.
"Le contrôle d'identité et l'amende forfaitaire sont fréquemment présentés comme des outils relativement anodins de lutte contre la délinquance", relève ce rapport commandé au centre de recherche sur les inégalités sociales de Sciences Po. "Or, les logiques qui ont accompagné leur mise en place et les lois qui les régissent, montrent qu'ils ont en réalité des finalités multiples, favorisant leur usage à des fins d'éviction", sur la base de "l'âge, le genre, assignation ethno-raciale et précarité économique".
Le rapport décrypte également "la pratique de la multi-verbalisation"
L'étude se base d'abord sur l'analyse d'une enquête menée par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) après une plainte pour violences et discriminations mettant en cause des policiers du 12e arrondissement de Paris. Ce dossier montre comment, entre 2013 et 2015, "les policiers ont sélectionné, parmi les options fournies par le logiciel de la police nationale, 'Perturbateurs - indésirables' comme motif d'intervention", et ce de manière "quasi-quotidienne".
Or, "ni le terme 'éviction' ni celui d''indésirables' n'existent dans le Code de procédure pénale, et la loi interdit la discrimination sur la base de l'origine ou de la situation économique", souligne l'étude. Ces pratiques exposent les personnes ciblées "à des situations de harcèlement policier, renforcent leur exclusion sociale et économique et alimentent leur défiance envers les institutions étatiques".
Le rapport décrypte également "la pratique de la multi-verbalisation" en région parisienne sur la base d'une quarantaine d'entretiens réalisés avec des jeunes multi-verbalisés entre janvier 2019 et juin 2024 et qui vivent majoritairement intramuros. Les amendes concernent des faits constatés aussi bien de jour qu'en soirée, et visent des tapages diurnes, des crachats ou des abandons d'ordures.
Elles peuvent être conséquentes. C'est le cas d'Amadou, 19 ans, verbalisé plus d'une centaine de fois entre 2018 et 2023, et dont les dettes frôlent les 32.000 euros, gonflées par la majoration d'amendes non réglées. Le rapport souligne aussi les amendes "Covid", et note que "ces jeunes ont en moyenne été 140 fois plus verbalisés pour des infractions liées à la pandémie de Covid que le reste de la population d'Île-de-France".
Les municipalités "encouragent" et "légitiment ces pratiques au nom de la protection de la tranquillité des 'riverains', catégorie dont elles excluent de fait les jeunes ciblés", poursuit l'étude qui rappelle qu'en 2023 le Conseil d'état a reconnu "l'existence de contrôles d'identité discriminatoires qui ne peuvent être réduits à des cas isolés".