"Bouleversant", "Palme du cœur", "magistrale", la presse française, mais aussi anglo-saxonne, était unanime au Festival de Cannes, en mai dernier. Récompensé par le Grand prix, 120 Battements par minute du Français Robin Campillo fait partie des films qui ont marqué La Croisette. Le cinéaste a même eu droit à une standing ovation au moment d'aller chercher la récompense. Le long-métrage revient sur les activités de l'association Act Up-Paris, mouvement de lutte contre le sida créé à la fin des années 1980. Pendant 2h40, on suit la vie associative du groupe et plusieurs militants en particulier. Ce long-métrage très attendu sort ce mercredi en salles.
Ignoré pendant si longtemps. "Après 120 BPM, épargnez-nous vos louanges", lançait Didier Lestrade, cofondateur d'Act Up et du magazine Têtu dans une tribune publiée par Libération, au lendemain du prix cannois. Derrière ce cri rageur, un constat amer. "Ne vous trompez pas, notre engagement associatif nous a mis au ban de la société. Nous sommes marginalisés précisément parce que nos années de travail n’ont pas été récompensées", expliquait le journaliste et écrivain.
Le film et son succès ne rachèteront donc pas les longues années où le mouvement a été ignoré. Et on aurait également tort d'agir à l'inverse et de croire que c'est parce que le film rend enfin justice à un mouvement fondateur de la lutte contre le sida, qu'il convient d'en prendre automatiquement sa défense. 120 battements par minute a beaucoup plus à offrir, et parfois un peu moins, malheureusement.
Soulèvement. Dès le titre et à la vue des premières séquences, on comprend bien que l'idée de Robin Campillo est de saisir un mouvement, à double sens. D'un côté celui associatif, puis, plus métaphoriquement, l'effervescence qui a cours à l'intérieur d'Act Up, ce bouillonnement qui lui permet d'avancer au quotidien. Dès lors, la caméra de Robin Campillo va donc chercher à présenter l'association sous toutes les coutures, manœuvre d'autant plus aisée à installer que l'on suit des nouveaux venus dans le mouvement et que l'identification entre ces derniers et le spectateur, agit donc immédiatement.
Réunions de groupes, assemblées générales hebdomadaires, actions coup de poing, dialogues avec les laboratoires pharmaceutiques, manifestations : c'est tout le panel d'Act Up que le cinéaste donne à voir, étape par étape. Une démarche un peu programmatique qui donne parfois le sentiment que le film s'essouffle.
Et c'est sans doute là que les personnages de 120 BPM changent la donne. Lorsque par moment, plus de place leur est laissé, que la caméra se resserre sur l'individu au sein du groupe. Alors dans cet instant, la mise en scène aussi s'élève et 120 BPM gagne en émotion. Le film perd son côté présentation pour une forme moins linéaire, plus libre. Comme lors du dialogue entre deux personnages sur un lit, qui se remémorent leurs amours passés et que les corps de ces anciens amants surgissent au milieu du lit. C'est quand 120 BPM fait totalement le choix de cette liberté qu'il est le meilleur. Sans doute pour cela que son dernier acte est aussi déchirant.