Publicité
Publicité

Amélie Nothomb : "Avec 'Premier sang', je voulais ressusciter mon père"

Alexis Patri - Mis à jour le . 3 min

Invitée dimanche d'Isabelle Morizet dans l'émission "Il n'y a pas qu'une vie dans la vie", l'autrice Amélie Nothomb revient sur la genèse de son nouveau roman, "Premier sang", et de son mystérieux père, ambassadeur aux quatre coins du monde disparu en 2020. C'est dans sa peau qu'elle s'est glissée pour écrire ce livre.

Son héros s'appelle Patrick. Devenu diplomate au Congo en sauvant la vie de 1.800 otages, il a ensuite été le premier diplomate belge en Chine, sous Mao, avant d'occuper ce poste au Bangladesh, en Birmanie, en Thaïlande, au Laos et au Japon. Un homme discret et pudique qui ne se confie jamais, et fut le premier occidental accepté dans une troupe de théâtre nô, cet art traditionnel japonais. Sauf que le héros du roman d'Amélie Nothomb Premier sang n'est pas fictionnel. Il s'agit de son propre père.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

"Mon père était un paradoxe vivant", résume dimanche l'écrivaine au micro d'Isabelle Morizet dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie . "Petite, je me souviens, il me mettait terriblement mal à l'aise : je ne le comprenais pas". C'est pour mieux comprendre cette énigme paternelle qu'elle a voulu écrire ce roman.

"Je me demandais qui était le vrai papa"

Le paradoxe Patrick Nothomb tenait dans sa grande sociabilité face au monde extérieur et sa toute aussi grande timidité dans l'intimité familiale. "Mon père ne cessait de recevoir. Il recevait 1.000 personnes par mois à la maison", se souvient Amélie Nothomb. "Je n'étais pas invitée aux cocktails, mais j'y passais continuellement pour voir ce qui se passait. Et je voyais mon père être un prince et recevoir et parler avec grâce, fougue et prestance. Les gens le regardaient en béance, en l'adorant."

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

"Et puis, dès que nous étions dans notre premier cercle de famille papa, maman, mon frère, ma sœur et moi, il se refermait. On ne l'entendait plus", poursuit-elle. "Je me demandais qui était ce drôle de type, pourquoi est il différent avec nous, qui était le vrai papa."

Le père d'Amélie Nothomb n'a dit "je t'aime" à sa fille qu'une semaine avant sa mort, parce qu'elle le lui avait dit. "Lui-même, n'avait pas eu de père puisque son père était mort quand il avait huit mois. Et sa mère, brisée par le chagrin, ne lui avait pour ainsi dire jamais accordé d'affection", précise l'autrice. "Pour cette raison, mon père ne savait pas comment être un père et ne savait pas comment montrer son affection à des petits enfants. Il a fallu vraiment que nous soyons adultes pour que mon frère, ma sœur et moi ayons des signes tangibles de son amour pour nous. Je pense que c'était un excellent père, mais un père pas du tout à la mode actuelle."

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

"J'ai rendu son mari à ma mère"

Amélie Nothomb n'a pas tout de suite dévoilé à cette famille le thème de son roman. Elle a voulu garder la surprise jusqu'au dernier moment. "Je me doutais bien qu'il n'y aurait rien dans ce manuscrit qui puisse les choquer. C'était un manuscrit d'amour envers mon père, infiniment respectueux envers ma mère", complète-t-elle sur Europe 1.

Et l'écrivaine a été très émue lorsqu'elle a fait livre, sans rien lui dire, Premier sang à sa mère. "Je la regardais lire. Et après deux pages, tout à coup, elle s'est écrié 'Mais c'est Patrick !'. Elle m'a regardée et je me suis dit que c'était trop beau. Je lui ai rendu son mari. C'était bouleversant", raconte-t-elle.

La suite après cette publicité

"Tout le monde me disait que je lui ressemblais de façon hallucinante"

Mission accomplie, donc, puisqu'Amélie Nothomb voulait par ce livre rendre vie à son père. "Quelle autre façon de le ressusciter que de lui donner ma vie ?", interroge-t-elle. "L'espace d'un roman, mon jeu devient le sien. C'est une expérience de l'ordre du chamanisme."

Un tour de magie dans lequel l'écrivaine se sentait "une certaine légitimité" du fait qu'elle est la seule enfant de la fratrie à lui sembler physiquement. "Tout le monde me disait que je lui ressemblais de façon hallucinante, au point que ma mère me présentait aux invités en disant 'Celle-là, c'est Patrick'. Cela m'indignait ! J'avais envie de dire que non, mais non, je n'étais pas Patrick. Regardez-moi, ça se voit que je suis moi quand même !", revit-elle. "J'étais tellement indignée que je me présentais moi-même aux invités en disant 'Bonjour, je suis Patrick'. Et les invités étaient extrêmement intrigués."

Cet article vous a plu ? Vous aimerez aussi...
Recevoir la newsletter Culture
Plus d'articles à découvrir